Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/619

Cette page n’a pas encore été corrigée

invisible. Il est ordonné à ce même disciple de suivre le Seigneur, parce qu’il avait la volonté bien arrêtée de le faire ; il lui est ordonné aussi de laisser les morts ensevelir un mort. Mais je ne vois pas qu’on puisse attendre des morts un office quelconque ; comment ce mort pourra-t-il être inhumé par des morts ? Le Seigneur veut montrer d’abord que la perfection de la religion ne consiste pas à accomplir aucun office temporel vis-à-vis des autres hommes ; ensuite que, lorsqu’il s’agit d’un fils fidèle et d’un père infidèle, le soin d’ensevelir celui-ci n’incombe pas nécessairement à celui-là. Le Sauveur ne nie pas que l’action de rendre les derniers devoirs à un père ne soit bonne en elle-même ; mais en ajoutant : « Laissez aux morts le soin d’ensevelir leurs morts », il nous avertit que le souvenir des morts infidèles ne doit point trouver de place dans l’esprit des saints ; il nous apprend aussi que l’on doit considérer comme morts ceux qui vivent en dehors de Dieu, et que, par rapport aux derniers devoirs qu’il s’agit de rendre aux hommes de cette sorte, on doit les laisser ensevelir par ceux qui sont morts comme eux ; ceux qui ont le bonheur de vivre de la foi divine ne devant affectionner que ceux qui vivent de la même vie.

CINQUIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU (XIII, 24-30) : JÉSUS DIT A SES DISCIPLES CETTE PARABOLE : « LE ROYAUME DES CIEUX EST SEMBLABLE A UN HOMME QUI SEMA DE BON GRAIN DANS SON CHAMP, ETC. » L’IVRAIE ET LE BON GRAIN.

ANALYSE.—1. Exposition et interprétation de la parabole.—2. Que celui qui est encore ivraie devienne bientôt froment. —2. Il ne faut pas s’étonner de rencontrer de la zizanie partout, même dans le lieu saint.

1. Nous avons entendu la lecture du saint Évangile et les paroles du Seigneur qui y sont rapportées. Parlons sur ce sujet et disons ce que Jésus-Christ lui-même nous suggérera. Il nous eût peut-être été difficile, mes frères, d’interpréter cette parabole ; mais notre tâche a été rendue facile par l’auteur même de cette parabole ; car, après l’avoir proposée, il a pris soin de l’expliquer lui-même. Celui qui vient de remplir l’office de lecteur a lu jusqu’à l’endroit où le Seigneur dit : « Arrachez d’abord l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler ; mais quant au froment, rassemblez-le dans mon grenier[1] ». Mais ses disciples, ainsi qu’il est écrit, a s’approchèrent ensuite a de lui et lui dirent : Expliquez-nous la parabole de l’ivraie[2] ». Et celui qui demeure dans le sein du Père leur donna cette explication : « Celui qui sème la bonne semence est le Fils de l’homme », dit-il en parlant de lui-même. « Le champ, c’est le monde ; la bonne semence, ce sont les enfants du royaume ; l’ivraie n’est pas autre chose que les enfants du malin esprit. L’ennemi qui répand cette dernière, c’est le démon ; la moisson, c’est la fin du siècle ; les moissonneurs sont les anges. Quand donc le Fils de l’homme viendra, il enverra ses anges, et ceux-ci enlèveront de son royaume tous les scandales, et ils en enverront les auteurs dans la fournaise du feu ardent où il y a pleur et grincement de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume « de leur Père[3] ». Je vous cite ici des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu’on ne vous a point lues, mais qui sont rapportées mot

  1. Mat. 13, 30
  2. Id. 36
  3. Mat. 13, 37-42