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TRENTE-CINQUIÈME SERMON. OU PREMIER TRAITÉ DU COMBAT SPIRITUEL.

ANALYSE. —4. Les bons chrétiens ont été conduits de la terre d’Égypte dans la terre promise. —2. Néanmoins, ils doivent non pas s’endormir crans le repos, mais lutter contre leurs passions. —3. Il leur faut détruite ces passions, comme, d’après l’ordre de Dieu, les Israélites devaient faire disparaître les nations étrangères.—4. Combien la paresse des moines est blâmable. —5. Motifs de l’avancement spirituel. —6. Pourquoi Dieu ne veut pas que nous triomphions de nos ennemis sans combat.—7. Exhortation finale aux moines.
1. Frères bien-aimés, si nous voulons considérer avec attention notre point de départ et notre destinée, nous serons, faute de forces, impuissants à remercier Dieu. Nous sommes, en effet, les enfants d’Israël : nous avons subi, en Égypte, le joug de Pharaon, et la puissance de ce roi orgueilleux a lourdement pesé sur nous. Car le prince de ce monde ne trouvait-il pas sa joie à nous écraser sans relâche sous l’insupportable fardeau de l’esclavage, et à nous accabler incessamment d’occupations et d’œuvres serviles ? Il nous obligeait à faire cuire des briques : si, seulement, nous avions eu à construire un temple au Seigneur avec les pierres précieuses des vertus ! Mais non ; il nous fallait, par ordre, élever un édifice purement terrestre. Voilà, néanmoins, que le Dieu de nos pères, le Dieu béni de tous les siècles, nous a tirés de l’Égypte, c’est-à-dire des ténèbres où vivait le vieil homme ; il a brisé les chaînes dont nous tenait chargés une domination tyrannique, et nous a fidèlement introduits dans la terre promise. Nous sommes entrés dans ce pays de répromission, du moment où nous avons renoncé aux convoitises mondaines pour placer nos confiantes et solides espérances dans l’éternité : et déjà nous possédons en espérance les biens futurs dont la grâce divine nous accordera plus tard la réelle jouissance. La grâce de l’espérance n’avait-elle pas déjà mis en possession de cette terre des vivants ceux à qui l’Apôtre Pierre adressait ces paroles : « Vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple conquis, pour annoncer les grandeurs de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière[1] ? »
2. Mais de ce que nous ayons été introduits dans cette terre promise, sous la conduite de la grâce divine, il ne suit nullement que nous devions nous livrer au repos et céder à la nonchalance ou à la paresse : succomber au sommeil, s’abandonner à une imprudente sécurité, est chose malsaine. Il est donc utile pour nous de ne jamais nous coucher sans être revêtus des armes des vertus, afin de ne point rester un seul instant sans défense : il nous faut combattre avec acharnement les dangereux et cruels ennemis de notre salut ; car c’est par la guerre qu’on arrive à la paix ; c’est aussi par le travail qu’on parvient au repos. En effet, point de victoire sans combat, point de triomphe sans victoire. Nous avons des ennemis au-dedans de nous-mêmes ; si nous ne voulons point périr avec eux, c’est pour nous une impérieuse nécessité de lutter contre eux sans faiblesse comme sans relâche. Les ennemis qui nous ont déclaré la guerre, avec lesquels nous sommes toujours en lutte, ne se trouvent point séparés de nous par de larges fossés, par des remparts flanqués de tours, par des rivières profondes ; d’abruptes montagnes ne s’opposent pas à leur marche en avant. Ils sont toujours avec nous, parce qu’ils se tiennent dans les secrets replis de notre âme. Les vices principaux sont au nombre de sept, et de cette race de vipères sortent, comme d’une source fétide, toutes les autres passions, pareilles à autant de rejetons venimeux. Voici leurs noms : L’orgueil,

  1. 1Pi. 2, 9