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larmes, tandis que Jonas attendait au loin que Dieu fît périr Ninive ; mais le feu, envoyé, pour la réduire en cendres, s’éteignit sous le torrent des larmes de ses habitants. Dieu leur pardonna donc leurs égarements, et, au même instant, le Prophète fut saisi de douleur. Seigneur, dit-il, je savais que vous êtes prompt à pardonner, voilà pourquoi je m’étais enfui à Tarse, au lieu d’exécuter vos ordres. Un peu de fatigue avait rempli son âme de tristesse, et nul sentiment de joie ne s’empara de son cœur, lorsque, à l’égard de Ninive, l’indulgence succéda aux menaces de la justice divine. Il en sortit donc et s’endormit bientôt ; car il avait vu un grand concombre élever au-dessus de sa tête son épais feuillage, pour le défendre contre les ardeurs brûlantes du soleil : cet arbrisseau, sorti de terre par l’ordre du Seigneur, sécha bientôt après sous l’influence de la même volonté divine subitement élevé, il disparut tout aussi vite. Il n’y avait pas d’autre nécessité à ce qu’il sortît de terre que celle-ci : Dieu avait promis, son pardon aux pécheurs, afin de les exciter à se convertir. – Mais, me diras-tu, qui est-ce qui t’autorise à parler ainsi ? – Lis le livre de Jonas, et tu verras que le Prophète pleure sur le sort du concombre ; puis, si tu pousses plus loin la lecture, le Seigneur t’apparaîtra, comme épargnant la ville. « Jonas », dit-il, « tu gémis sur le sort d’une plante qui est venue sans toi, qui s’est accrue en une nuit et qui a péri le lendemain ; et moi, je n’épargnerais pas la grande ville de Ninive, où il y a plus de cent vingt mille hommes[1] ? »
4. Mes frères, un seul : Pardonne, suffit à délivrer de la mort un grand nombre. Il y en a beaucoup (je dirais même qu’ils sont en énorme quantité) pour dire : « Mangeons et buvons[2] », car c’est notre nature : une fois enfermés dans le tombeau, nous n’avons plus de vie, nous n’avons plus, de châtiment à redouter. Non, sans doute, tu n’éprouveras pas de châtiment, si tu te convertis et obtiens ton pardon. Avant la passion de ton Sauveur, ton premier père ne pleurait-il pas ? Ignores-tu donc que si Jésus-Christ n’était pas venu, Adam aurait pour toujours été enseveli dans l’enfer ? Jésus-Christ homme est venu pour ce motif : il s’est anéanti à cause de toi, et afin de te trouver. D’abord, tu avais péché par ignorance, et il t’a purifié par l’effusion de son sang ; mais si, après avoir été instruit, tu recommences à pécher, il est sûr que tu éprouveras toute la sévérité de sa justice. Donc, en tout ceci, mes frères, obéissons à ses commandements, et nous deviendrons participants de la récompense qu’il nous a promise. Ainsi soit-il.

TRENTE ET UNIÈME SERMON. SUR LA RÉCONCILIATION DES PÉCHEURS. 1

ANALYSE. —1. Pouvoir de la pénitence. —2. Prière à l’évêque pour l’engager à recevoir les pécheurs. —3. Continuation de cette prière. —4. Conclusion.
1. La fragilité humaine, empoisonnée par le venin du péché comme par la morsure d’un serpent, n’offrirait plus de ressource, si la pénitence ne venait y appliquer le remède, et si une humble confession ne lui obtenait la grâce de l’indulgence divine. Comme, dans le corps humain, les parties corrompues d’une plaie s’enlèvent au moyen de l’instrument du chirurgien, ainsi l’âme, blessée par le péché, se refait sous l’influence douloureuse de la pénitence : une douleur qui enlève les grandes douleurs, une peine salutaire,
1. Ce sermon appartient sans doute à l’époque où saint Augustin, encore prêtre, prêchait devant son évêque.

  1. Jon. 4, 10-11
  2. Isa. 22, 13