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et des jours sans fin ; le Prophète l’a dit : « J’habiterai pendant toute la durée des jours éternels[1], parce qu’un jour passé dans votre demeure vaut mieux que mille jours ». Oui, un jour sans fin est préférable à tous les autres. Voilà ce qu’il nous faut désirer : voilà ce qui nous est promis en termes ordinaires et se réalisera d’une manière ineffable. « Où est l’homme qui souhaite vivre ? » On dit tous les jours : Vie et vie ; mais pour celle-ci, de quoi s’agit-il ? « Et désire voir des jours heureux ?[2] » Tous les jours, on parle même d’heureux jours ; et, si on les examine de près, il n’y en a plus. Tu as aujourd’hui passé une bonne journée, si tu as rencontré ton ami, et si cet ami consentait à rester avec toi, quelle bonne journée tu passerais ! Après avoir rencontré son ami, l’homme ne se plaint-il pas d’avoir dû le quitter ? Voilà comme est bon, pour toi, le jour qui te quitte après t’avoir visité. J’ai passé de bonnes heures : où sont-elles ? Ramène-les-moi. J’ai passé un moment agréable : tu t’en réjouis ; plains-toi plutôt de ce qu’il n’est plus. « Quel est l’homme qui souhaite vivre et désire voir des jours heureux ?[3] » Et tous de s’écrier Moi ! Mais ce ne sera qu’après cette vie, après les jours présents. Il nous faut donc attendre ; mais que nous recommande-t-on de faire pour parvenir à ce que l’avenir seul peut nous procurer ? Que ferai-je dans cette vie telle quelle, pour arriver à la vie et voir des jours heureux ? Ce que dit ensuite le Psalmiste : « Préserve ta langue de la calomnie et tes lèvres des discours artificieux ; éloigne-toi du mal et pratique le bien ». Fais ce qui est commandé, et tu recevras ce qui est promis. S’il y a des efforts à t’imposer et que tu aies peur de la peine, que, du moins, l’éclat de la récompense te ranime !

VINGT-NEUVIÈME SERMON. SUR LA PÉNITENCE QUE TOUT CHRÉTIEN DOIT PRATIQUER, S’IL VEUT GUÉRIR SON AME DES PÉCHÉS QU’IL A COMMIS APRÈS LE BAPTÊME.

ANALYSE. —1. Plaise à Dieu que  nous ressentions, pour la guérison de nos âmes, une sollicitude pareille à celle que nous ressentons pour la guérison de nos corps. —2. Les remèdes pour les blessures spirituelles sont la pénitence et la confession.—3. Conclusion.
1. Il serait à désirer, bien-aimés frères, que notre corps jouît d’une santé continuelle, qu’il ne souffrît jamais des atteintes de la, maladie et ne reçût pas de blessures. Si nous consultons les instincts naturels d’un esprit droit, personne d’entre nous ne consentira à se voir mutiler ou à être cloué sur un lit de douleur. L’Apôtre en a fait la remarque : « Jamais personne n’a haï sa propre chair au contraire, il la nourrit et il en a soin[4] ». Qu’involontairement on souffre d’une maladie, ou qu’on reçoive un coup de flèche, je ne dirai pas dans une partie essentielle du corps, mais seulement à la superficie d’un membre, on emploie aussitôt, et avec un soin qui ne se dément pas, tous les remèdes possibles : on bande la plaie, on fait provision de simples de toute espèce, dont l’application sur le mal peut guérir, et, s’il le faut pour obtenir la cure, on va même à l’étranger chercher ce qui est nécessaire. La dépense est comptée pour rien, et la pauvreté n’entre pas en ligne de compte ; les ressources de la vie se consacrent à la maintenir ; on regarde comme cause de salut des choses même plus viles que le sel, on n’épargne non plus les soins préservatifs d’aucune sorte pour empêcher le mal de couver

  1. Psa. 22, 9
  2. Id. 83, 10
  3. Psa. 33, 14-15
  4. Eph. 5, 29