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qu’il est à proprement parler, et ce qu’on peut attribuer aux deux autres personnes. Ainsi, on dit avec justesse que le Père est esprit, et le Fils pareillement, que le Père est saint, et aussi le Fils ; mais on ne dit pas que le Père a été envoyé, par la raison qu’il ne s’est pas incarné. Le nom d’envoyé s’applique d’une manière plus exacte à la personne qui s’est faite homme. La forme humaine, dont le Fils s’est revêtu, appartient à la personne de celui-ci, et non à celle du Père. C’est pourquoi on a dit que le Père invisible, agissant de concert avec son Fils invisible, l’a envoyé en le rendant visible. Le Fils a pris la forme d’esclave, sans que la forme de Dieu subît en lui le moindre changement. Celui qui est apparu aux regards des hommes sous la forme humaine a été fait par la sainte et invisible Trinité. Par conséquent, selon cette nature divine en vertu de laquelle le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un, nous ne croyons pas que le Père ou le Saint-Esprit soit né ; la foi catholique ne le croit et ne l’enseigne que du Fils. Bien que, selon la nature divine, le Père ne soit né d’aucun autre Dieu, s’il était cependant né de la Vierge selon la chair, il n’aurait point seul la propriété de n’être pas né lui-même, mais d’avoir engendré un Fils unique ; le Fils n’aurait pas non plus la propriété exclusive de n’avoir point engendré, mais d’être né de l’essence du Père ; le Saint-Esprit serait aussi dépourvu de celle de n’être pas né et de n’avoir point engendré, mais de procéder du Père et du Fils. En effet, si le Père était né de la Vierge, il ne serait avec le Fils qu’une seule et même personne ; et parce que cette seule et même personne serait née, non pas de Dieu, mais de la Vierge, on ne pourrait l’appeler avec exactitude que Fils de l’homme, au lieu de pouvoir lui donner le titre de Fils de Dieu.


TROISIÈME SUPPLÉMENT.

VINGT-SIXIÈME SERMON. EXPOSITION DE FOI.

ANALYSE. —1. Le Fils est un seul Dieu avec le Père. —2. Divinité du Saint-Esprit. —3. Ces trois personnes ne sont qu’un seul Dieu.
1. La foi en la substance unique de la Trinité, c’est-à-dire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, est d’avant tous les temps : elle dépasse tous nos sens ; les paroles ne peuvent l’expliquer ; nul esprit ne saurait la comprendre. Une seule puissance, un seul Dieu, et trois noms. Le Verbe naît de la Vierge Marie ; il se revêt d’un corps matériel, mais il reste la pensée sublime de Dieu. Cette parole divine ne s’est pas assimilée à la chair, mais elle s’y est enfermée, elle lui est demeurée supérieure : c’était la parole impassible du Très-Haut, et, néanmoins, elle a souffert et subi les coups de la mort, pour communiquer la vie à sa créature, que sa désobéissance avait précipitée dans l’abîme. O homme ! chercherais-tu à comprendre la Divinité ? Te blâmerais-je pour cela ? Si tu crois, tu fais bien ; mais si tu dis : Comment Dieu est-il Père ? tu tombes dans les ténèbres. Si tu dis : Comment Dieu est-il Fils ? la lumière t’abandonne encore ; car : « Nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père[1] ». Supposer trois puissances, c’est confesser trois Dieux ; pour nous, nous croyons trois personnes, mais une seule puissance, une seule divinité. En nommant le Père, tu glorifies le Fils, et en prononçant le nom du Fils, tu adores le Père. Si, de la Trinité nous ne faisons qu’une seule personne, nous judaïsons,

  1. Mat. 11, 27