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VINGT-QUATRIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DES SAINTS CÔME ET DAMIEN.

ANALYSE. —1. Bienfaits de Dieu accordés par l’intermédiaire des martyrs. —2. Joignons-nous, par conséquent, aux martyrs, pour éviter les peines de l’enfer. —3. Il faut invoquer les martyrs.


1. Célébrons ce jour consacré à la mémoire des bienheureux frères Côme et Damien, et, pour cela, livrons-nous aux pratiques de la dévotion tranquille des fidèles, au lieu d’observer les rites profanes du paganisme : citoyens d’un autre pays, ils sont, en ce jour, devenus nos patrons ; car celui qui a d’abord envoyé les Apôtres vivants dans la chair, nous envoie maintenant ceux-ci vivants dans l’esprit. Après avoir illustré, pendant leur vie, des contrées étrangères, ils ont honoré les nôtres de leur visite après leur mort ; mais, évidemment, si les morts ne vivaient plus, nos patrons ne nous auraient pas visités après être sortis de ce monde. Leurs restes mortels sont donc cachés à nos yeux, mais leurs bienfaits s’étalent à nos regards ; car nous étions atteints d’une maladie très-dangereuse, et Dieu nous les a envoyés comme médecins, afin de nous préserver des attaques du démon et de nous délivrer de celles de la maladie. Lorsque, après sa résurrection, le Sauveur envoya ses disciples dans le monde, en vertu de sa puissance divine, il leur recommanda, avant tout, de guérir les malades, de ressusciter les morts, de chasser les démons, de rendre la vue aux aveugles en son nom'. Toujours sensible à nos infirmités, prenant toujours, et suivant les limites du possible, soin de ses frères, il a choisi, après son ascension, des hommes qui, par leur science médicale et terrestre, nous communiqueraient les dons de Dieu. Sa puissance souveraine agit de la sorte, car sa parole ineffable nous a appris qu’il est venu en ce monde pour sauver les faibles et les étrangers. Voici comme il s’exprime : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du médecin, mais les malades[1]. Je suis venu appeler à la pénitence, non pas les justes, mais les pécheurs[2][3] ». Remarquons cependant pourquoi le Seigneur a accordé aux saints un pareil privilège. C’est parce qu’ils ont aimé la paix et qu’ils sont parvenus à jouir du Dieu de paix, dont l’Apôtre a dit : « Il est notre paix, celui qui des deux peuples n’en a fait qu’un[4] ».
2. Ce n’est donc point pour eux-mêmes que les bienheureux Côme et Damien ont vécu et sont morts. Par leur vie exemplaire, ils nous ont laissé un modèle de bonne conduite, et, parleur mort courageuse, ils nous ont montré comment nous devons souffrir. Si Dieu a permis qu’on les connût dans les différentes parties de l’univers, c’était afin que leurs prières nous aidassent à guérir de nos diverses maladies ; pareils à des témoins irrécusables, ils doivent ainsi, par une sorte de présence et par l’attrait de la guérison, nous conduire à la foi ; par là encore, l’humaine fragilité, qui a tant de mal de croire à l’Évangile, parce qu’il date déjà de loin, voit de ses propres yeux les merveilles opérées par ces saints personnages ; en conséquence, elle accepte le témoignage d’hommes qui prient maintenant au lieu d’exercer l’art de la médecine, et viennent au secours des malades par leur foi et non plus par leur science. S’ils guérissaient autrefois, c’était, en effet, non pas de leur propre puissance, mais de celle du Dieu qui sauve le monde, et, puisqu’ils continuent à nous venir en aide, c’est qu’ils empruntent leur pouvoir au Sauveur du monde. Nous devons honorer très dévotement tous les saints, mais comme nous possédons les précieuses reliques de ceux-ci, ils ont un droit tout particulier à notre vénération. Tous les autres nous aident de leurs prières ; ceux-ci

  1. Id. 9, 12
  2. Mt. 10, 8
  3. Mt. 9, 13
  4. Eph. 2, 14