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chargé de chaînes, emprisonné, et, enfin mis à mort pour celui à cause de qui il faisait autrefois mourir les autres ; au moment où il cherchait à diminuer le nombre des chrétiens, il est venu lui-même se placer dans les rangs des confesseurs ; à l’heure même où il pénétrait dans l’étable d’un tranquille troupeau pour y porter le ravage, il est subitement devenu une brebis.
4. La bassesse de son origine et la grandeur de ses crimes peut-elle être maintenant, pour n’importe quel homme, un sujet de désespoir ? Ne voit-il pas devant lui une source si pure de grâces célestes, que, pour s’y être plongé, un pêcheur est devenu supérieur aux monarques, et qu’un persécuteur est devenu égal aux Apôtres ? Tout en cherchant un soulagement à sa misère, tout en demandant chaque jour à la mer de quoi se sustenter, Pierre a trouvé un trésor de richesses dans Jésus-Christ, puisqu’en ce monde les rois et les nations lui obéissent. Quant à Paul, tandis qu’il poursuivait à la pointe de l’épée les membres de l’assemblée des Saints, il s’est soumis à porter le joug de la foi, il est devenu le docteur des nations, le modèle des martyrs, la terreur des démons, un pardonneur de crimes et une source de vertus. Pierre et Paul ont donc mérité ici-bas la palme du triomphe, et, dans le ciel, la couronne de la gloire.

DIXIÈME SERMON. POUR L’OCTAVE DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL. 3

ANALYSE.—1. La foi de Pierre n’a point failli sur les eaux de la mer. —2. Attachement à la foi.—3. Conversion de Paul.
1. Frères bien-aimés, il y a erreur ou péché de la part de celui qui attribue un manque quelconque de foi à Pierre, c’est-à-dire au fondement de l’Église ; comme il est téméraire d’accuser d’incrédulité celui qui, en récompense de ses mérites, a reçu du ciel le pouvoir de pardonner et de retenir les péchés. Y aura-t-il jamais un seul homme à même de ne pas trembler devant la justice de Dieu, si l’on suppose dans un Apôtre l’existence d’une faute, si l’on reproche un péché à Pierre surtout, puisque le Sauveur lui-même lui a rendu témoignage ? Ne voulant rien comprendre, ne comprenant rien à ce qui s’est passé, plusieurs se jettent dans les entraves d’une bien grande faute, lorsqu’ils s’imaginent que la foi de Pierre a manqué d’assurance et de solidité dans la circonstance où le Sauveur lui a dit. « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?[1] » En voilà bien la preuve ; ils n’ont pas fait attention à cette foi vive qui avait fait dire à Pierre : « Seigneur, si c’est vous, commandez-moi de venir à vous sur les eaux[2] ». L’Apôtre a évidemment cru à la puissance de Celui à qui il disait : « Commandez ». Il lui a fallu une foi ardente pour s’élancer sans hésitation hors de sa barque, pour en descendre sans trembler, pour s’aventurer sur les abîmes de l’élément liquide, pour s’engager dans un chemin que le pied de l’homme n’avait pas encore foulé, et ne pas craindre de voir les eaux se dérober sous ses pas et sous le poids trop lourd d’un corps humain. Il avait, en effet, conçu une si grande confiance en entendant cette parole du Sauveur : « Viens[3] », que, dans son idée, il avait sous lui, non point une mer perfide par

  1. Mat. 14, 31
  2. Id. 28
  3. Id. 29