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NEUVIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL. 2

ANALYSE. —1. Égaux en mérites, Pierre et Paul ont souffert le martyre le même jour, mais non la même année. —2. Puissance et grandeur admirables de Pierre. —3. Conversion et mérites de Paul. — 4. Conclusion.
1. Le puissant et le faible, le plus grand et le plus petit, le chef et le dernier, Pierre et Paul, ont, par l’égalité de leurs mérites, partagé le même sort et l’honneur de l’apostolat ; en prêchant l’Évangile ; ils ont engendré le peuple chrétien, ils sont devenus les pasteurs du troupeau du Seigneur, et d’accord dans leur foi et leur prédication, semblables l’un à l’autre par la vertu, ils ont cueilli dans le champ de la mort les palmes du triomphe. Je n’en veux d’autre preuve que celle-ci c’est qu’ayant souffert persécution en des années différentes[1], ils se trouvent néanmoins réunis pour recevoir les honneurs d’un même jour de fête. En effet, le même jour qui a conduit l’un à la couronne éternelle, a conduit l’autre au combat, afin de lui procurer là victoire ; ainsi, après s’être tous deux couronnés de gloire, ils se sont dédié un jour commun, celui où ils ont vaincu le monde et marché sur les traces de Jésus-Christ, leur roi.
2. Admirable puissance, grâce ineffable du Sauveur ! Aurait-on jamais pu croire que le persécuteur Saul deviendrait un martyr ? Aurait-on jamais supposé qu’un homme sorti des rangs de la populace, un pêcheur, deviendrait le chef du collège apostolique, qu’il résisterait aux rois, sanctifierait les princes, gouvernerait tous les empires, guérirait le monde par ses lois, foulerait aux pieds les démons, dominerait les vertus, ouvrirait le ciel aux hommes quand il le voudrait, le leur fermerait quand il lui semblerait bon, accorderait aux convertis le royaume éternel, le refuserait aux méchants, jugerait des mérites du monde et pardonnerait à. ses semblables leurs fautes et leurs crimes ? O puissance sans prix et sans bornes ! Un homme placé sur la terre, tenir le ciel entre ses mains ! Voilà que maintenant s’ouvrent, à un signe de Pierre, les portes du royaume de Dieu ! Il a, en effet, reçu du Christ les clefs du royaume des cieux, afin de l’ouvrir aux croyants, après avoir brisé les chaînes de leurs péchés. Quels mystérieux remèdes nous sont offerts, et comme ils sont à notre portée ! Le monde a tout près de lui le royaume de Dieu, s’il veut avoir recours à Pierre ; pas n’est besoin de machines pour monter vers les nues ; la foi seule suffit à nous élever si haut ; inutile à ceux qui prient de fournir une longue course pour se faire entendre de Dieu, parce que le Christ est devenu la voie des croyants. Pour tenir sa place sur la terre et porter les clefs du royaume des cieux, il a établi l’apôtre Pierre, afin que personne ne se crût incapable d’y parvenir.
3. Paul a été renversé à terre par une voix d’en haut, quand il s’élançait avec fureur contre la bergerie, et quand, pareil à un loup enragé, il poursuivait le nom de l’innocent agneau, qu’il ne pouvait supporter ; il cherchait à tourmenter et à disperser le troupeau, et à ce moment-là même, il a été frappé ; puis, comme il se relevait, il a été aveuglé et ensuite éclairé par le Dieu qui « relève ceux qui tombent et éclaire les aveugles[2] ». De loup qu’il était, il est tout à coup devenu un agneau, de persécuteur un apôtre, de brigand un prisonnier. Il a commencé à prêcher le Christ, auquel il résistait précédemment, à souffrir pour celui qu’il combattait jadis, à être frappé de verges, cruellement lapidé, exposé aux bêtes, jeté dans les flammes,

  1. On croit généralement qu’ils ont souffert la même année.
  2. Psa. 144, 14