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Sanctification ». Il faut employer la terreur pour te faire pratiquer la justice, et l’amour te faisait courir après l’impureté ! Et pourtant, y a-t-il rien de plus beau que la sagesse ? Je vous le demande : N’est-elle pas aussi digne que l’impureté, de posséder vos affections ? Quand tu courais au vice impur, on voulait t’arrêter, et tu allais toujours ; tu offensais ton père, n’importe, tu courais ; tu aimais mieux être déshérité que te priver de tes honteux plaisirs. Que diras-tu à cela ? La justice exige de toi ce que tu as fait pour l’immoralité. Vous avez entendu ce passage de l’Évangile : « Je suis venu sur la terre pour t’apporter, non pas la paix, mais la guerre[1] ». Le Sauveur a déclaré qu’il séparerait les enfants de leurs parents. Voici un exemple de cette guerre apportée par le Christ ; remarque-le bien. Peut-être veux-tu servir Dieu et peut-être aussi ton père s’y oppose-t-il. Quand tu aimais le vice impur, ton père avait beau te le défendre, tu y courais malgré lui ; aujourd’hui que tu aimes la justice, elle ne veut pas que tu deviennes l’esclave de l’impureté ; elle tient donc, auprès de toi, la place de ton père, elle veut t’arrêter ; rends donc ta liberté complètement indépendante, comme tu as rendu indépendantes tes honteuses convoitises. Tu étais alors tout disposé, même à perdre ton héritage plutôt que de renoncer à tes passions dépravées ; sois maintenant disposé à perdre ton héritage, plutôt que de souiller en toi l’éclat de la justice. C’est un grand effort à t’imposer, mais il le faut. Y aurait-il un homme pour oser dire : On doit préférer l’impureté à la justice ?
7. Quoi qu’il en soit, la justice t’élève ; il est positif, te dit-elle, que je ne ressemble nullement à l’impureté : grande est la différence qui se trouve entre ses ténèbres et mon lumineux éclat, entre son discrédit et l’honneur dont je suis en possession. Oui, encore une fois, il existe une énorme différence entre nous : j’y établis un degré de supériorité, ainsi le veux-je, car ma supériorité m’oblige et m’oblige à beaucoup ; plus je m’éloigne du mal, plus impérieux deviennent mes devoirs. Néanmoins, je parle humainement, plus tard, je parlerai d’une manière divine. Pourquoi ne point parler ainsi dès maintenant ? « Je parle humainement à cause de la faiblesse de votre chair ». Le motif qui dicte ma conduite, c’est que je veux être indulgent pour la faiblesse de votre chair ; par conséquent, « comme vous avez fait servir vos membres à l’impureté et à l’injustice de l’iniquité, ainsi ». À cette heure, vous êtes obligés à plus, mais je vous demande seulement de vous conduire de même manière : faites au moins cela, puis vous irez plus loin. En attendant, « je vous parle d’une façon humaine ». Agissez aujourd’hui comme vous l’avez fait autrefois. Est-ce à cela que Quadrat s’est borné ? Oh ! non, évidemment ; il a fait davantage, et bien davantage. Portez votre attention sur le caractère et l’étendue de vos impuretés, et voyez ce qu’exigent de vous, en surplus, la piété, la charité, la justice parfaite et le bonheur que l’on goûte à devenir saint. Ce qu’ils exigent de vous en surplus, le voici remarquez-le bien.
8. Tout homme esclave du vice impur ne désire pas, à beaucoup près, que son inconduite vienne à la connaissance du public ; il a peur de se voir condamné, il redoute la prison, le juge, le bourreau. Pour porter atteinte à la pudeur d’une femme qui n’est pas la sienne, il trompe le mari de cette femme, il recherche les ténèbres, il serait au désespoir d’être aperçu n’importe par qui, la seule pensée du juge le fait trembler. La crainte du châtiment lui inspire la crainte d’être connu pour ce qu’il est. La perfection de la justice exige de toi bien plus que cela ; je vais t’en convaincre. L’Apôtre ne t’en parle pas encore dans ce passage : « Je parle humainement à cause de la faiblesse de votre chair ». Mais le Sauveur va le dire : « Ce que je vous dis dans les ténèbres », c’est-à-dire, en secret, « dites-le à la lumière, et ce que vous entendez à l’oreille, prêchez-le sur les toits[2] ». L’adultère va-t-il sur les toits prêcher son crime ? Non-seulement il ne monte pas sur un toit pour le prêcher, mais il se cache sous un toit pour le commettre. Pourquoi agit-il ainsi ? C’est que l’amour du vice honteux le pousse jusque-là ; il craint d’être découvert et puni. Quant aux amateurs de cette beauté invisible, de cet éclat dont il est question en ce passage : « Vous surpassez en beauté les plus beaux des enfants des hommes[3] » ; quant aux amateurs de cette beauté, pourquoi ne craignent-ils pas de prêcher sur les toits ce

  1. Mat. 10, 34
  2. Mat. 10, 27
  3. Psa. 44, 2