Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/510

Cette page n’a pas encore été corrigée

QUATRIÈME SERMON. POUR LA NAISSANCE DU SEIGNEUR.

Les Pères de Saint-Maur se plaignent de n’avoir vu nulle part, dans le catalogue manuscrit, le sermon n° 189, tome 5, afin d’en compléter ou d’en restaurer certains endroits. Pour le rétablir dans son intégrité, je l’ai copié sur sept catalogues, dont trois sont d’antiques lectionnaires dont les moines se servaient pour la récitation solennelle de l’office au chœur. Parmi eux nous remarquons le catal. nom.106, que Léon d’Ostie a transcrit avec beaucoup d’élégance de sa propre main, en l’ornant de figures, précisant l’époque et y apposant son nom. Deux autres sont des bréviaires en caractères latins du IIVe#Rem siècle, et antérieurs à Urbain 5, puisqu’ils contiennent les psaumes d’après l’édition romaine, et non d’après l’édition gallicane, que ce Pontife avait prescrite au Mont-Cassin. Les deux antres contiennent des sermons de divers auteurs, et sont inscrits de même. Dans ces sept catalogues, on lit le sermon tel qu’il est ici, c’est la même inscription, qui est d’accord avec l’édition de Saint Maur. La bibliothèque de Laurent de Médicis avertit que, dans le Cod.1 Plut. 14, on retrouve en entier ce sermon tel qu’il est dans nos catalogues. ANALYSE. – Jésus-Christ né du Père, c’est le jour du jour. – Né de Marie, c’est la vérité qui s’élève de la terre. – La justice vient du ciel pour se donner aux hommes et nous faire naître pour le ciel. – Merveille d’un Dieu naissant d’une Vierge. – Acceptons-le pour Maître, portons-le dans nos cœurs.

Voici le jour qu’a sanctifié pour nous le jour qui a fait tout jour, et dont le Psalmiste a chanté[1] : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau, que toute la terre chante le Seigneur ; chantez au Seigneur et bénissez son nom. Annoncez de jour en jour que le salut vient de lui[2] ». Quel est ce jour du jour, sinon le Fils qui vient du Père, lumière de lumière. Mais ce jour enfantant cet autre jour qui naît aujourd’hui de la Vierge, ce jour qui n’a point de lever non plus que de coucher, ce jour, je l’appelle Dieu le Père ; [car Jésus ne serait point jour du jour, si le Père n’était le jour aussi.] Qu’est-ce donc que ce jour, sinon la lumière ? Non point cette lumière qui luit aux yeux de la chair et qui n’est pas lumière, non plus cette lumière commune aux hommes et aux animaux ; mais cette lumière qui est celle des anges et qui purifie les cœurs qui en jouissent. Elle passe en effet, cette nuit qui nous environne, dans laquelle nous vivons, dans laquelle on allume pour nous le flambeau des saintes Écritures, et alors viendra ce matin que le psaume a chanté[3] : « Au matin je me tiendrai devant vous, et vous contemplerai[4] ». Ce jour est donc le Verbe de Dieu, jour qui éclaire les anges, qui resplendit dans cette patrie d’où nous sommes exilés, qui s’est revêtu de notre chair et a pris naissance de la Vierge Marie. Il est né d’une manière merveilleuse, et en effet, quoi de plus merveilleux que l’enfantement d’une vierge ? Elle a conçu demeurant vierge, enfanté demeurant vierge encore. Car il a été créé de celle que lui-même a créée, il lui a fait don de la fécondité, sans léser son intégrité. D’où vient Marie ? D’Adam. D’où Adam ? De la terre. Si donc Adam vient de la terre, et que Marie vienne d’Adam, Marie vient de la terre ; si Marie vient de la terre, comprenons cette parole : « C’est de la terre que s’est levée la vérité ». Quel bienfait pour nous que la vérité se soit levée de la terre ? « C’est que la justice a regardé du haut du ciel[5] ». Car les Juifs, comme l’a dit l’Apôtre, « ignorant la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, n’ont pas été soumis à la justice de Dieu[6] ». D’où l’homme peut-il être juste ? De lui-même ? Quel pauvre se donne à lui

  1. La version Italique porte : « Cantate Domino, benedicite nomen ejus, bene nuntiate diem de die, salutare ejus », ou annoncez son salut qui est le jour du jour ; comme nous disons lumen de lumine. Aussi les Pères de Saint-Maur ont-ils cru que ce verset du psaume pouvait convenir ici. Mais nos catalogues ne suffisent pas pour établir cette opinion. Cl. Sabatier, dans son ancienne version de la Bible, dit que saint Augustin n’a fait usage qu’une seule fois de cette manière de lire, et que, partout ailleurs, il a écrit : de die in diem, ou : de die ex die.
  2. Psa. 95, 1-2
  3. Dans les discours sur les psaumes et les traités sur saint Jean, saint Augustin a toujours cité :Mane astabo tibi et contemplabor. Ici seulement nous lisons : contemplabor te.
  4. Psa. 5, 5
  5. Id. 84, 12
  6. Rom. 10, 3