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8. Voici le cinquième précepte : « Tu ne commettras point d’adultère[1] ». La cinquième plaie fut « la mort des troupeaux des Égyptiens[2] ». Comparons. Voilà un homme adultère qui ne se contente point de son mariage ; il ne veut point dompter en lui cette convoitise de la chair qui nous est commune avec les animaux. Car s’unir et engendrer appartient également aux pourceaux, tandis que penser est le propre de l’homme. De là vient que cette raison qui siège dans notre esprit doit régner sur les mouvements inférieurs de la chair, les dominer, leur mettre un frein, et ne point leur donner cette liberté immodérée, cette licence d’errer partout et sans retenue. Aussi est-il dans la nature des animaux, d’après les desseins du Créateur, de ne rechercher les femelles qu’à des temps fixés ; car ce n’est pas la raison qui retient la brute en d’autres temps ; mais tout mouvement se refroidit et lui donne le calme. Pour l’homme, s’il peut toujours être excité, c’est qu’il est toujours en son pouvoir de réfréner son excitation. C’est à toi que le Créateur a donné de dominer par la raison, à toi les préceptes de la continence, comme des jougs pour assujettir les animaux inférieurs. Tu as ce que la brute n’a point ; et dès lors tu espères ce qu’elle ne saurait espérer. La continence est pour toi un labeur que ne ressent point la brute ; mais tu auras une joie éternelle que la brute ne saurait atteindre. Si le travail te fatigue, du moins que la récompense te console ; et c’est déjà souffrir que réprimer ses mouvements intérieurs, et ne point laisser aller librement, comme la brute, ce qui nous est commun avec elle. Te mépriser en toi-même, et dominer par les passions de la brute, négliger cette image de Dieu, selon laquelle il t’a fait, c’est abdiquer la dignité de l’homme, pour devenir brute ; ce n’est point changer ta nature en celle de l’animal, mais c’est, sous l’apparence de l’homme, ressembler à l’animal que ne pas entendre cette parole : « Ne soyez point comme le cheval et le mulet, qui n’ont point d’intelligence[3] » Et si tu choisis la part de la brute, si tu veux laisser un libre cours à tes passions, sans imposer à tes appétits charnels le joug de la continence, crains la plaie de l’Égypte ; et si tu ne crains lias de vivre comme la brute, crains au moins de mourir comme elle.

9. Sixième précepte : « Tu ne tueras point[4] » ; et septième plaie : « Des pustules sur le corps, des tumeurs bouillonnantes et purulentes, des plaies enflammées se formèrent de la cendre du foyer[5] ». Telles sont les âmes homicides, qui bouillonnent de colère, et la colère de l’homicide a tué l’amour fraternel. L’homme s’enflamme de colère, comme il s’enflamme par les bons offices. Mais, dans un cas, c’est le feu de la santé, dans l’autre c’est le feu de l’ulcère. Des pustules brûlantes par tout le corps ne donnent écoulement qu’à des homicides intérieurement conçus ; or ce feu n’est pas la santé : c’est un feu, mais non de l’esprit de Dieu. Il y a ardeur chez celui qui veut secourir, et ardeur aussi chez celui qui veut tuer : chez l’un c’est le précepte qui l’enflamme, chez l’autre la maladie ; chez l’un les bonnes œuvres, chez l’autre les ulcères purulents. Si nous pouvions voir en effet l’âme des homicides, nous verserions plus de larmes qu’à la vue des corps envahis par la gangrène.

10. Voici le septième précepte : « Tu ne déroberas point[6] ». Septième plaie, « la grêle sur les fruits de la terre[7] ». Ce que tu soustrais contrairement au septième précepte, tu le perds pour le ciel ; car nul ne bénéficie injustement, sans subir un juste dommage. Voilà un homme qui vole, par exemple ; son larcin lui donne un vêtement, mais, par le jugement du ciel, il perd la foi. Avec le gain, le dommage : le gain est visible, et le dommage invisible ; le gain vient de son aveuglement, le dommage de la nuée du Seigneur. Car, mes bien-aimés, rien n’arrive sans la providence. Vous imaginez-vous que le Seigneur s’endort sur tout ce que souffrent les hommes ? Tout cela parait être l’effet du hasard : des nuées qui s’amassent, des pluies qui se répandent, la grêle qui tombe, le tonnerre qui secoue la terre, les éclairs qui effrayent ; tout cela paraît être l’effet du hasard et arriver sans l’intervention de la providence. Or, c’est à l’encontre de ces pensées le psalmiste prend soin de nous dire : « Louez-le Seigneur, vous qui êtes sur la terre, (le ciel déjà l’a béni), dragons et tous les abîmes, feu, grêle, neige, glace, tourillons et tempêtes, qui obéissez à sa parole[8] ». La

  1. Exo. 20, 14
  2. Id. 9, 6
  3. Psa. 31, 9
  4. Exo. 20, 13
  5. Id. 9, 10
  6. Id. 20, 15
  7. Id. 9, 23
  8. Psa. 143, 7,8