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VINGT ET UNIÈME SERMON.
SUR CES PAROLES DU PSAUME 32, v.1 : « TRESSAILLEZ DANS LE SEIGNEUR, Ô VOUS QUI ÊTES JUSTES, ETC. »[1]

ANALYSE.—1. À qui convient-il de louer Dieu.—2. On ne doit pas juger de Dieu sur le bonheur temporel des méchants.—3. Les hommes au cœur droit louent Dieu, même dans l’adversité.—4. Dieu nous châtie en Père.—5. C’est l’usage qui rend les richesses bonnes ou mauvaises.—6. Exemple de Job proposé aux chrétiens.—7. Droiture du cœur de Job dans toutes ses épreuves.—8. On doit adorer les desseins de Dieu et non les discuter.—9. Nous devons néanmoins l’implorer dans l’adversité.

1. Le psaume que nous venons de chanter nous avertit de bénir Dieu avec joie et de conformer notre vie à la louange de Dieu. « Tressaillez dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes ; c’est aux cœurs droits qu’il appartient de le bénir[2] ». S’il appartient aux cœurs droits, il n’appartient pas aux cœurs dépravés. Or, ces cœurs droits que le Prophète convie à bénir le Seigneur sont aussi les justes, et c’est à eux qu’appartient la louange. Quels sont les hommes dépravés, sinon les pécheurs, qui ne sauraient tressaillir dans le Seigneur ; car la louange ne leur convient pas. C’est avec raison qu’un autre psaume a dit : « Dieu a dit au pécheur : Est-ce à toi qu’il appartient de publier mes décrets, et pourquoi ta bouche annonce-t-elle mon alliance[3] ? Car c’est aux cœurs droits qu’il « appartient de me louer », et les secrets de Dieu, comme le testament de Dieu, sont bien l’objet de la louange. C’est donc à bon droit qu’il est dit ailleurs : « La louange est sans éclat dans la bouche de l’impie[4] ». Elle est en effet sans éclat où elle ne convient point, et où elle convient elle reprend cet éclat.

2. Or, en feuilletant les Écritures, nous connaissons quels sont les hommes droits, et chacun peut connaître si la louange de Dieu convient dans sa bouche. Nous lisons dans un psaume : « Combien est bon le Dieu d’Israël aux hommes qui ont le cœur droit ». Et ensuite : « Mes pieds se sont presque égarés, parce que je me suis indigné contre les méchants, en voyant la paix des pécheurs[5] ». Le Prophète nous confesse ici, non point son aversion, non plus que sa chute, mais le danger qu’il a couru. Il ne dit point qu’il est tombé, mais que ses pieds chancelaient à le faire tomber. Voici en effet ses paroles : « Combien est bon le Dieu d’Israël pour les hommes au cœur droit ». « Mes pieds ont presque chancelé ». Comme il part de son aversion pour se distinguer de ceux qui ont le cœur droit, il confesse dès lors que son cœur n’a pas toujours été droit, et dès lors ses pieds ont presque chancelé. « Le Dieu d’Israël est donc bon aux yeux des hommes au cœur droit », mais un jour je ne vis point qu’il était bon, parce que mon cœur n’était pas droit. Le Prophète n’ose point dire : Dieu ne m’a point paru bon ; et néanmoins il le dit. Quand, en effet, il s’écrie : « Combien est bon le Dieu d’Israël aux yeux des hommes au cœur droit ; quant à moi, mes pieds ont presque chancelé », il nous laisse entendre que ses pieds chancelaient précisément parce que Dieu ne lui paraissait pas bon. D’où vient alors qu’il n’a point vu la bonté de Dieu ? « Mes pieds ont presque chancelé ». « Presque », en quel sens ? Peu s’en est fallu qu’ils ne chancelassent. Pourquoi ? « C’est que j’étais indigné contre les pécheurs, en

  1. On lit dans le Codex, fol. 71, pag. 2 : « Sermon de saint Augustin à propos du riche et de Lazare ». Cette histoire, ainsi que celle de Job, fart conclure à notre saint docteur que ni la félicité des méchants, ni les malheurs, ne doivent empêcher l’homme droit de louer le Seigneur.
  2. Psa. 32, 1
  3. Id. 49, 16
  4. Sir. 15, 9
  5. Psa. 72, 1-3