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QUINZIÈME SERMON. ÉGALEMENT POUR LA FÊTE DE SAINT CYPRIEN, MARTYR[1].

ANALYSE.—1. Joie que cause cette religieuse affluence de peuple et la victoire des martyrs.—2, Desseins des persécuteurs déjoués par les martyrs.—3. Triomphe de l’Église sur les persécuteurs.—4. Plusieurs bourreaux de Cyprien se convertissent comme ceux du Christ.

1. Nous avons chanté le psaume : « Béni soit le Seigneur, qui ne nous a point donnés à leurs dents comme une proie]]</ref>[2] ». C’est le chant bien légitime des dons du Seigneur. « Béni soit le Seigneur, qui ne nous a point a donnés à leurs dents comme une proie ». C’est là certainement une action de grâces et action de grâces bien digne. Et quand l’homme pourra-t-il suffisamment remercier Dieu de si grands dons ? Quand le bienheureux martyr répandait ici son sang par un pieux sacrifice, je doute que la foule de ses persécuteurs ait égalé cette foule qui le vient bénir. Oui, je le répète ; car c’est un bonheur pour moi de voir le peuple venir en foule et pieusement dans ce lieu, et de comparer les temps aux temps. C’est pour cela que je reviens à cette pensée, que je la répète et que je veux l’inculquer à vos sens avec toute la dévotion possible. Quand le saint martyr répandait ici son sang dans un pieux sacrifice, je doute que la foule de ses persécuteurs ait égalé cette foule qui le vient bénir. Mais en fût-il ainsi, que a Dieu n’en a pas moins été a béni de ne pas nous avoir abandonnés à a leurs dents comme une proie n. En lui donnant la mort, ils croyaient avoir vaincu. Ils étaient vaincus, au contraire, par ceux qui mouraient, et ils tressaillaient d’être vaincus. Sans doute ils persécutaient ; mais voilà que la foule des persécuteurs s’est dissipée et fait place à la foule qui chante ses louanges. Qu’elle chante alors, cette foule, qu’elle chante : « Béni soit le Seigneur qui ne nous a point abandonnés à leurs dents comme une proie ». Aux dents de qui ? Aux dents de nos ennemis, aux dents des impies, aux dents de ceux qui persécutent Jérusalem, aux dents de Babylone, aux dents de la cité ennemie, aux dents de cette foule en délire dans le crime, aux dents de cette foule qui persécute le Seigneur, qui abandonne le Créateur pour se tourner vers les créatures, qui adore ce qu’a fait la main des hommes, et méprise le Dieu qui nous a faits. « Béni soit le Seigneur, qui ne nous a point abandonnés à leurs dents comme une proie ».

2. Tel est le chant des martyrs, le chant de ceux qui ont mieux aimé mourir en confessant le Christ, que de vivre en apostasiant le Christ. Si donc les uns ont voulu tuer, et si les autres sont tués, si les uns sont venus à bout de leurs desseins, et si les autres sont morts, comment « bénir Dieu qui ne nous a point abandonnés à leurs dents comme une proie ? » À quoi bon cette félicitation : « Béni soit le Seigneur, qui ne nous a point abandonnés à leurs dents comme une proie ? » C’est que les persécuteurs ne se proposaient pas de tuer, mais de dévorer, c’est-à-dire d’incorporer à leur secte. Ils étaient païens, ils étaient impies, ils étaient adorateurs des démons et des idoles. Voilà ce qu’ils voulaient faire de nous, quand ils voulaient nous dévorer. Voyez ce que nous faisons de la nourriture, quand nous mangeons. Que faisons-nous, sinon changer en notre corps ? Or, les impies formaient un corps, et ils ont dévoré ceux qu’ils, ont amenés à leur secte. Ils se les sont incorporés sans aucun doute. Donc, ces martyrs qui ont tenu ferme contre les efforts tentés pour les amener

  1. Au manuscrit on lit, fol.37, page2 : « Encore un sermon de saint Augustin, évêque, sur la victoire des martyrs et de l’Église par les martyrs ». – C’est peut-être Possidius qui, dans l’Indic. Opp, ch.8, l’a intitulé :De venatoribus Dei et sœculi. Car le verset du psaume cité ici s’entend de la dent des persécuteurs, et aussi de la dent de l’Église.
  2. Psa. 123, 6