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Ils priaient l’un pour l’autre, avant le jour de Jésus-Christ Notre-Seigneur ; gloire en ce jour, faiblesse avant ce même jour. Prions donc dans la faiblesse, afin de nous réjouir dans la gloire. Bien qu’en effet les temps soient divers, nous arriverons néanmoins tous à ce temps qui est unique. Pour sortir d’ici-bas les temps sont différents ; là-haut il n’y a qu’un seul temps pour recevoir. Nous serons rassemblés ensemble et au même instant, afin de recevoir ce quia été en divers temps l’objet de notre foi et de nos désirs. Comme ces ouvriers de la vigne, engagés tels à la première heure, tels à la troisième, tels à la sixième, tels à la neuvième, tels à la dixième[1] ; appelés à des temps différents, ils reçoivent tous au même instant leur récompense. Tournons – nous vers le Seigneur Jésus-Christ, etc.

QUATORZIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DE SAINT CYPRIEN, MARTYR[2].

ANALYSE.—1. Saint Cyprien est louable dans le Seigneur.—2. Contre qui doit combattre un chrétien.—3. Contre les spectacles des païens.—4. Contre l’orgueil.—5. Nouvel éloge de saint Cyprien.

1. La grande solennité du bienheureux martyr qui nous rassemble ici exige que nous parlions dignement des mérites et de la gloire d’un si célèbre témoin. Une langue humaine pourrait sans doute suffire à publier ses vertus et sa gloire, s’il voulait lui-même faire son éloge. Toutefois, c’est plutôt par notre dévotion que par notre talent que nous le voulons bénir, ou plutôt bénir en lui le Seigneur ; oui, le Seigneur en lui, et lui dans le Seigneur. Or, tout à l’heure, nous avons entendu une parole du psaume qu’on nous lisait. « Tout notre « secours est dans le nom du Seigneur[3] », et cette parole, qui est le cri des martyrs, nous a dit ce qu’il y a pour eux dans le Seigneur. Or, si le nom du Seigneur est pour nous tous un secours, à combien plus forte raison l’est-il pour les martyrs ? À mesure que le combat est plus violent, le secours est plus nécessaire. Or, deux choses rendent plus étroite la voie des chrétiens : le mépris des plaisirs, et la patience dans la douleur. Tu es vainqueur, ô toi qui combats, si tu sais vaincre ce qui te plaît et ce qui t’effraie. Oui, tu es vainqueur, ô chrétien qui combats, si tu sais vaincre ce qui te plaît et ce qui t’effraie ; car, autre est ce qui plaît, et autre ce qui effraie. Mais maintenant c’est la gloire des martyrs qui est en cause. Célébrer les fêtes des martyrs est chose facile, mais le difficile est d’imiter leurs souffrances.

2. Deux choses, comme je le disais, contribuent à rendre étroite et petite la voie des chrétiens : le mépris des plaisirs, et la patience dans les souffrances. Tout homme qui combat doit donc savoir qu’il combat contre le monde entier, et que, dans sa lutte contre le monde entier, il est vainqueur du monde s’il parvient à vaincre ces deux choses. Qu’il triomphe de tout ce qui nous flatte, qu’il triomphe de tout ce qui nous menace. Car, tout plaisir est trompeur, toute souffrance n’a qu’un temps ; si donc tu veux entrer par la porte étroite, ferme les issues de la convoitise et de la crainte. Car c’est par elle que le tentateur cherche à renverser ton âme. La porte des convoitises nous tente par les promesses ;

  1. Mat. XX
  2. On lit dans le manuscrit fol, 36, p. 2 : « Autre sermon de saint Augustin, évêque ». – Du triple combat des chrétiens ; il s’élève avec force contre les spectacles des païens.
  3. Psa. 123, 8