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QUATRE-VINGT-DEUXIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « C’EST POUR CELA QUE MON PÈRE A ÉTÉ GLORIFIÉ, AFIN QUE VOUS RAPPORTIEZ BEAUCOUP DE FRUIT », JUSQU’À CES AUTRES : « ET JE DEMEURE DANS SON AMOUR ». (Chap. 15,8-10.)

GLOIRE DE DIEU.

Le Père est glorifié par nos bonnes œuvres et notre foi ; et c’est afin que nous puissions l’aimer et garder ses commandements qu’il nous a aimés le premier, qu’il nous a donné son Fils ; aimons-le donc, soyons-lui fidèles comme Jésus-Christ, notre médiateur, l’a aimé et lui est resté fidèle.


1. Le Sauveur, faisant de plus en plus à ses disciples l’éloge de la grâce qui nous sauve, leur dit : « C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit et que vous deveniez mes disciples ». Qu’il y ait dans le texte « gloire » ou « clarification », peu importe : ces deux mots viennent l’un et l’autre du mot grec goxazein, dont la racine est doxa, qui signifie gloire. J’ai pensé qu’il fallait vous faire cette remarque, parce que l’Apôtre dit : « Si Abraham a été justifié par « ses œuvres, il a de quoi se glorifier, mais non devant Dieu [1] ». La gloire que l’on a devant Dieu est celle par laquelle Dieu est glorifié et non pas l’homme, lorsque l’homme est justifié non par les œuvres, mais par la foi ; car c’est de Dieu que lui vient le pouvoir de faire le bien ; parce que la branche, comme je l’ai déjà dit, ne peut porter de fruit par elle-même[2]. Si c’est la gloire de Dieu que nous portions plus de fruit, et que nous devenions les disciples de Jésus-Christ, ne nous en faisons pas un titre de gloire, comme si cela nous venait de nous-même s. Cette grâce vient de Dieu ; ce n’est donc pas à nous, mais à lui qu’en revient la gloire. Aussi, comme, dans un autre passage, il avait dit : « : Que votre lumière luise devant les hommes, de manière qu’ils voient vos bonnes œuvre », Jésus-Christ a voulu empêcher ses disciples de se regarder comme les auteurs de leurs bonnes œuvres, et pour cela il a aussitôt ajouté : « Et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux [3] ». En effet, ce qui glorifie le Père, c’est que nous portions plus de fruit et que nous devenions les disciples de Jésus-Christ ; et qu’est-ce qui nous fait disciples de Jésus-Christ, si ce n’est celui dont la miséricorde nous prévient ? Nous sommes l’ouvrage de ses mains, nous avons été créés en Jésus-Christ par les bonnes œuvres[4].
2. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés : demeurez dans mon amour ». Voilà d’où nous viennent les bonnes œuvres. Car d’où pourraient-elles nous venir, sinon de la foi, qui opère par la charité[5] ? Et comment aimerions-nous, si nous n’étions aimés les premiers ? C’est ce que nous dit très-ouvertement notre Évangéliste dans une de ses Epîtres : « Pour nous, aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier[6] ». Par ces paroles « : Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés », le Sauveur ne veut pas dire qu’entre notre nature et la sienne il y a la même égalité qu’entre le Père et lui ; mais il nous montre la grâce par laquelle Jésus-Christ homme est médiateur entre Dieu et les hommes[7]. Il montre qu’il est médiateur, lorsqu’il dit : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». Car le Père assurément nous aime lui aussi, mais c’est dans le Fils ; car la gloire du Père est que nous portions du fruit dans la vigne, c’est-à-dire dans le Fils, et que nous devenions ses disciples.
3. « Demeurez », dit-il, « dans mon amour ». Comment y demeurerons-nous ? Écoute ce qui suit : « Si vous gardez mes commandements, vous resterez dans mon amour ». Est-ce l’amour qui fait garder les commandements, ou bien, est-ce la fidélité à les

  1. Rom. 4, 2
  2. Traité 81, n. 2
  3. Mt. 5, 16
  4. Eph. 2, 10
  5. Gal. 5, 6
  6. 1 Jn. 4, 19
  7. 1 Tim. 2, 5