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TROISIÈME SERMON. AUX ENFANTS, SUR LE SACREMENT DE L’AUTEL[1].

ANALYSE. —1. Éloge du sacrifice de la loi nouvelle. —2. Ce sacrifice, c’est le Christ. —3. véritablement et réellement présent dans l’Eucharistie. —4. Effets de l’Eucharistie. —5. Conditions pour communier dignement.

1. Maintenant que vous avez pris une seconde naissance dans l’eau et dans l’Esprit-Saint, et que dès lors cette nourriture et ce breuvage sur l’autel vous apparaissent sous un nouveau jour, que vous les voyez avec une piété nouvelle ; et l’instruction que nous vous devons, et la sollicitude avec laquelle nous vous avons engendrés, pour former le Christ en vous, nous font un devoir d’enseigner à vos jeunes années ce que signifie ce sacrement si grand et si divin, ce remède si noble et si célèbre, ce sacrifice à la fois si pur et si facile, qui ne fut point offert ni dans la Jérusalem de la terre, ni dans ce tabernacle fabriqué par Moïse, ni dans ce temple bâti par Salomon, qui n’étaient que les ombres de l’avenir[2], mais que l’on immole de l’aurore au couchant, selon la parole des Prophètes, et que l’on offre comme une hostie de louange au Dieu qui a fait avec nous la nouvelle alliance. Ce n’est plus dans les troupeaux d’animaux que l’on choisit une hostie sanglante, ce n’est plus un chevreau ou une brebis que l’on amène à l’autel, mais aujourd’hui on offre le corps et le sang du Prêtre lui-même. Car c’est de lui que le Psalmiste a dit si longtemps auparavant : « Tu es Prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech[3] ». Que Melchisédech, prêtre du Très-Haut, ait offert du pain et du vin, quand il bénit Abraham notre père, c’est ce que nous lisons dans la Genèse, et ce que nous croyons. Jésus-Christ, donc, Notre-Seigneur, qui offrit en souffrant pour nous ce qu’en naissant il avait reçu de nous, devenu souverain Prêtre pour l’éternité, établit selon le rite que vous voyez, le sacrifice de son corps et de son sang. Son corps, en effet, percé d’une lance, laissa couler l’eau et le sang dont il effaça nos péchés. En mémoire de ce bienfait, et pour opérer votre propre salut, que Dieu lui-même opère en vous, approchez avec crainte et avec tremblement, pour participer à cette victime. Reconnaissez dans le pain ce qui fut suspendu à la croix, et dans ce calice ce qui coula de son côté. Car tous les anciens sacrifices de ce peuple de Dieu, dans leur variété, figuraient pour l’avenir cet unique sacrifice. Car il y a dans le Christ, et la brebis à cause de l’innocence et de la simplicité de l’âme, et le chevreau à cause de sa chair qui ressemble à la chair du péché ; et tout ce qui était annoncé de tant de manières, et de si différentes façons dans les sacrifices de l’Ancien Testament, vient aboutir à cet unique sacrifice, révélé dans le Nouveau Testament.

3. Recevez donc et mangez le corps du Christ, vous qui en ce même corps du Christ, êtes déjà membres du Christ. Recevez et buvez le sang du Christ. Ne vous dégagez pas de vos liens, mangez ces liens mêmes. Ne vous croyez point vils, buvez votre rançon. Comme les aliments, à mesure que vous mangez et que vous buvez, se changent en vous-mêmes, de même, par une vie obéissante et pieuse, vous vous changez au corps du Christ. En effet, aux approches de sa Passion, comme il mangeait la Pâque avec ses disciples, il prit du pain, le bénit et dit : « Ceci est mon corps qui sera livré pour vous[4] ». De même, après avoir béni le calice, il le présenta en disant : « Ceci est mon sang de la nouvelle alliance,

  1. Le manuscrit fol. 4, pag. 2, porte cette inscription : « Autre sermon, pour le même jour, sur les sacrements. » Ce serait, je crois, le discours dont saint Augustin parle dans son sermon CCXXVIII. Voir tom. 7, p. 249. – C’est une magnifique préparation à la communion.
  2. Psa. 109, 4
  3. Gen. 14, 18
  4. Psa. 109, 4