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sont regardés comme légers et n’en sont pas moins très-dangereux, précisément parce qu’ils ne sont pas considérés comme péchés. Le mal le plus séduisant, c’est celui qui ne paraît pas un mal. Je ne parle pas des homicides, des adultères, des mauvaises persuasions ; plaise à Dieu qu’aucun chrétien ne s’y laisse entraîner ; et s’il succombe, le sentiment de son crime le portera à le pleurer aussitôt. Je parle de ces autres péchés qui passent pour beaucoup plus légers. Qui de vous pourrait se dire exempt de toute intempérance, de toute ambition, de toute jalousie, de toute cupidité, de toute avarice ? Voilà pourquoi, selon la parole de l’Écriture, je vous exhorte à vous humilier sous la puissante main de Dieu ; puisque personne n’est sans péché, que personne ne s’exempte de la pénitence, car ce serait être coupable que de se croire innocent. On peut n’avoir que des péchés légers, toujours est-il qu’on n’est jamais sans péché : « Personne n’est exempt de toute faute[1] ».

5. Que ceux donc qui sont plus gravement coupables, implorent leur pardon avec plus d’instance. Que ceux qui se sont abstenus des plus grandes fautes, demandent d’en être délivrés, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

SOIXANTE-SIXIÈME SERMON. SUR LE JEUNE. (PREMIER SERMON.)

ANALYSE. —1. L’utilité et la nécessité du jeûne, prouvées par l’autorité des médecins. —2. Par l’autorité des philosophes et de saint Paul. —3. Par les exemples des saints et de Jésus-Christ. —4. Conclusion.


1. Toutes les fois, mes frères, que nous fixons des jours de jeûne à votre dévotion, nous nous faisons un devoir de vous exhorter à les observer fidèlement. En effet, beaucoup parmi vous sont plutôt paresseux que sensuels ; sans être vicieux dans leur corps, ils manquent de dévotion dans le cœur et cherchent à s’excuser en alléguant certaines indispositions corporelles, la faiblesse de leurs membres ; le plus souvent, ce sont des illusions qu’ils se forment ; mais, fussent-ils atteints de quelque vice réel, ils devraient en chercher le remède dans le jeûne lui-même. Les délices engendrent les maladies, le remède à ces maladies, c’est le jeûne. Voilà pourquoi le Seigneur nous prescrit d’opposer des jeûnes pieux à toutes les inclinations vicieuses. D’ailleurs, ces jeûnes nous sont présentés sous une telle dénomination, que les faibles eux-mêmes ne sauraient les repousser. Écoutons le prophète Joël s’adressant aux prêtres : « Sanctifiez le jeûne, prêchez la guérison[2] ». La guérison est-elle donc autre chose que la médecine des corps ? Si les médecins imposent le jeûne aux malades, afin de guérir leur corps ; si la langueur trouve dans le jeûne son remède le plus efficace ; enfin, si les vices tendent à affaiblir toujours davantage la constitution de l’homme ; pourquoi ne pas chercher dans des jeûnes légitimes un contre-poids à la faiblesse des corps, puisque ces jeûnes sont institués pour servir de remède à tous les vices de l’âme et du corps ? Redisons donc ces paroles du Prophète : « Sanctifiez le jeûne, prêchez la guérison ; rassemblez les vieillards, réunissez les habitants de la terre dans la maison du

  1. Job. 14, 4
  2. Jol. 1, 14-15