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avec une étonnante fermeté, et puisait dans l’assistance divine le courage avec lequel elle combattait pour la loi. O prodige admirable de la libéralité divine à l’égard de cette femme bienheureuse ! elle était la mère de ces enfants, elle leur fut associée dans la compagnie des anges ; elle était leur mère, et elle devint leur sceur dans la lutte du martyre ; elle était leur mère, et elle reçut avec eux la couronne du martyre et la récompense éternelle.
4. Des sept frères, il ne restait que le plus jeune. Le tyran l’appelle, lui prodigue les flatteries et les promesses, afin de le détourner de la voie droite et de le séparer de ses frères. Il lui promet des richesses, des honneurs, des dignités, de l’or, de l’argent, un royaume, un empire. Mais le jeune Machabée se rit de toutes ces promesses et les foule aux pieds, parce qu’il aime Dieu de tout son cœur. Bientôt succèdent les menaces et tous les genres de supplices ; il reste insensible aux menaces comme aux promesses, rien ne l’émeut, rien ne l’ébranle. Se voyant donc hautement vaincu, Antiochus appelle la mère de cet enfant et l’invite à user de toute son influence auprès de son fils, pour l’arracher aux tourments que les six autres frères avaient inutilement bravés. La mère promit d’exhorter son fils. Mais à celui qui restait, pouvait-elle tenir un autre langage que celui qu’elle avait tenu à ses autres enfants déjà parvenus au bonheur du ciel ? Tout d’abord elle leur avait dit à tous : « Mes enfants, je ne sais comment vous avez été formés dans mon sein ; ce n’est point moi qui vous ai donné l’esprit et l’âme ; ce n’est point moi qui ai construit vos visages et vos membres ; Dieu qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qu’ils renferment, Dieu qui est la source de tout ce qui existe, a pu seul vous donner l’esprit et l’âme ; c’est lui qui a construit votre visage et vos membres ; par respect pour ses lois saintes, vous livrez aujourd’hui vos corps, mais il vous les rendra dans sa miséricorde[1] ». Elle était mère, et comme elle aimait Dieu de tout son cœur, elle savait tenir à ses enfants ce généreux langage.
5. Mes frères, nous admirons Abraham, parce qu’il offrit courageusement son fils à Dieu ; combien plus devons-nous admirer cette femme, qui en un seul jour sut faire au Seigneur le sacrifice de ses sept enfants martyrs ? Au dernier survivant elle adressait ces paroles : Toi, mon fils, tu me restes ; ta naissance a mis le comble à mes veaux ; je t’en prie, je t’en conjure, ne laisse pas ma joie imparfaite. Mon fils, prends pitié de moi, qui t’ai porté dans mon sein pendant neuf mois. Ne permets pas qu’un seul instant ma vieillesse se couvre de honte ; ne ternis pas l’éclat du triomphe de tes frères ; ne quitte pas leur sainte phalange et marche sur leurs traces. « Mon fils, lève tes yeux au ciel », d’où te sont venus ton esprit et ton âme ; « regarde la terre », qui a fourni l’alimentation de ta vie ; regarde tes frères qui t’appellent à leur suite ; regarde ta mère « qui t’a allaité pendant trois ans ». J’attends de toi la récompense de mon amour ; ne te sépare pas de tes frères, ne te sépare pas de ta mère qui t’a nourri. Je t’en prie, ô mon fils ; le roi Antiochus te promet des richesses temporelles, des honneurs temporels ; mais considère que tous ces biens sont passagers, vains et futiles ; rien de tout cela n’est éternel. Dieu seul nous promet des biens éternels, et Dieu ne saurait nous tromper. Mon fils, souviens-toi des paroles du Seigneur ton Dieu ; souviens-toi de ce que tu as lu et entendu ; n’oublie pas ce qu’il nous dit par le Prophète : « Vanité des vanités, et tout est vanité[2] ». O mon fils, ne crains pas le roi Antiochus, alors même qu’il tue pour un temps ton propre corps ; mais crains le Seigneur ton Dieu, qui réunira ton corps à ton âme, en compagnie de tes frères. Je vous ai reçus de Dieu comme la lumière de sept jours radieux[3]. J’ai déjà fermé le sixième jour, parce que j’ai rendu à Dieu six de tes frères, et j’ai vu que tout était bien. Toi aussi tu dois suivre tes frères, afin qu’après avoir travaillé pendant six jours, je me repose le septième ; comme donc le Seigneur qui vous attend, a travaillé six jours et s’est reposé le septième, moi aussi je veux trouver en toi le repos à toutes mes larmes.
6. Éclairé par cette exhortation maternelle, et rempli du Saint-Esprit, cet enfant s’écria « Qu’espérez-vous ? qu’attendez-vous ? Je ne consens ni n’obéis aux ordres d’un roi trompeur, mais j’obéis à Dieu ». Il ajouta d’autres paroles que vous avez entendues. C’est ainsi qu’il mourut lui-même innocent et pur. La mère fut martyrisée la dernière ;

  1. 2 Mac. 7, 22-23
  2. Eccl. 1, 4
  3. 2 Mac. 7, 30