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QUARANTE-NEUVIÈME SERMON. SUR LA CONVERSION DE SAINT PAUL. (PREMIER SERMON.)

ANALYSE. —1. Ananie s’approche de Saul, comme la brebis du loup ravissant. —2. Il reçoit l’ordre d’aller trouver Saul, et paraît refuser cette mission. —3. Saul est baptisé par Ananie et reçoit le nom de Paul.


1. Vous venez d’entendre, mes frères, le récit d’un grand prodige opéré par le Tout-Puissant ; le nom seul des deux personnages qui en ont été l’objet et l’instrument nous en donnera l’explication. En hébreu, Ananie signifie brebis, et Saul signifie loup. Admirons la prescience divine et les profonds desseins de la Providence ; la brebis que le loup recherchait pour la dévorer a été choisie pour guérir le loup ! Saul, te voilà frappé d’un complet aveuglement ; maintenant que tu es plongé dans une complète obscurité, que feras-tu à la brebis ? Voilà devant toi la brebis que tu cherchais ; tout à l’heure tu frémissais de rage, pourquoi maintenant trembles-tu ? La brebis que tu espérais dévorer est venue elle-même pour te baptiser. Méchant, tu te promettais de la mettre en lambeaux, et en ce moment tu t’inclines humblement pour recevoir ses ordres.
2. Ananie avait dit au Seigneur : « Seigneur, j’ai appris tous les maux que cet homme a causés à vos saints dans la ville de Jérusalem, et il vient ici pour enchaîner tous ceux qui invoquent votre nom ![1] ». En d’autres termes : Vous n’inspirez que le bien à votre serviteur, mais comme vous êtes mon maître, moi je suis votre serviteur ; si vous le voulez, les choses se passeront autrement. J’ai entendu David s’écriant dans l’un de ses psaumes : « Faites du bien, Seigneur, à ceux qui sont bons et droits de cœur[2] ». Je ferai du bien aux bons ; mais vous, dites, dites, que prescrivez-vous ? Seigneur, pourquoi me donnez-vous cet ordre ? Cet homme est un loup, et moi je ne suis qu’un agneau ; pourquoi donc ce qui vous plaît nous est-il à nous si contraire ? « Vous avez les clefs de David, c’est vous qui ouvrez, c’est vous qui fermez[3] », et jamais vous ne renfermez ; toutefois j’ignore en ce moment pourquoi vous renfermez le loup avec la brebis. Vous êtes le Seigneur, vous pouvez tout, rien ne vous est impossible. « Vous avez toute puissance sur la vie et sur la mort ». Toutes les portes vous sont ouvertes. « Vous avez éprouvé mon cœur et l’avez visité pendant la nuit[4] ». Pourquoi ces embarras me sont-ils survenus ? Je m’épuise à fuir la mort, et vous me dites Renfermez le loup dans la bergerie. Vous voyez que sur toute la ville, comme sur un vaisseau, souffle le vent de la mort, et vous voulez, sur cette mer déjà si agitée, déchaîner une tempête encore plus furieuse. Il ne faut pas que vous nous condamniez, mais vous savez comment la vergue se brise sous les coups de l’orage. Puisque vous voulez que personne ne meure dans le péché, soyez indulgent pour nos craintes et nos alarmes. Pourquoi laisseriez-vous l’agneau mourir sous les étreintes du loup ? Seigneur, vous nous avez donné la liberté, puisque vous avez permis à Moïse de lutter avec vous. Moïse craignit le turbulent Hébreu, et moi je ne craindrais pas Saul, le persécuteur des chrétiens ? O Seigneur, ô mon Dieu ! Vous avez fait un crime de l’homicide, pourquoi donc jetez-vous ainsi la brebis à la dent du loup ? Le Seigneur lui répondit : Pourquoi craignez-vous le coursier fougueux, frappé d’aveuglement ? Levez-vous, marchez avec moi, parce que je suis avec vous. Allez, visitez-le dans l’hôtellerie. Je veux vous honorer et je le dispose à marcher avec vous. Que vous le vouliez

  1. Act. 9, 13
  2. Ps. 124, 4
  3. Apoc. 1, 18
  4. Ps. 16, 3