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digne de vos plus grands éloges, il est digne de l’éternelle félicité dont l’espérance lui a fait mépriser toutes les menaces de son juge, tous les tourments de son bourreau. Ses souffrances sont passées, mais son bonheur n’aura point de fin. Ses membres furent brisés, ses entrailles déchirées ; il fut soumis aux tortures les plus horribles, aux souffrances les plus cruelles ; mais, alors même que le bourreau se fût montré plus barbare, Vincent se serait écrié : « Les souffrances de cette vie ne sont rien en vue de la gloire éternelle qui nous attend au ciel[1] ».

QUARANTE-HUITIÈME SERMON. SUR LE MARTYR SAINT VINCENT. II.

ANALYSE. —1. Courage de saint Vincent en présence de Dacianus. —2. Saint Vincent, vivant et mort, reste vainqueur de Dacianus.


1. Nous avons sous les yeux, mes frères, le plus ravissant, spectacle. Deux hommes combattent l’un contre l’autre, le bourreau et sa victime, Vincent, le serviteur de Dieu, et Dacianus, le fils du démon. Le persécuteur sévissait sur le corps du martyr, mais saint Vincent n’éprouvait aucune crainte, parce qu’il voyait Jésus-Christ combattre pour lui. Malgré la sentence qui le condamnait, il resta vainqueur, parce qu’il n’était point abandonné par Celui dont il confessait hautement la divinité. À toutes les questions qui lui furent posées, il n’hésita pas à répondre et accrut ainsi le courroux de son persécuteur. Il enflamma la haine de son bourreau, afin d’accroître la gloire de son propre martyre. Quelle crainte pouvait inspirer à saint Vincent ce lion furieux et rugissant, puisque cet illustre martyr restait étroitement uni « au Lion de la tribu de Juda[2] », de qui il tirait toute sa force et son courage ? Revêtu des armes de Jésus-Christ, Vincent marchait invincible et s’écriait : Que mon adversaire engage la lutte avec moi, si la confiance ne lui fait pas défaut, et il reconnaîtra qu’il se lassera plus tôt de me faire souffrir que moi de supporter mes souffrances. Saint Vincent est envoyé en exil, et il médite sur la voie qui le conduira au ciel. On le livre à la mort, et il se réjouit d’une vie meilleure ; il est étendu sur le chevalet, et sa figure rayonne d’autant plus que son persécuteur s’acharne davantage à le faire souffrir. Il est en face de son juge ; mais pendant qu’il est debout devant son bourreau, il prie dans son cœur le souverain Juge des vivants et des morts et s’écrie : O antique ennemi du genre humain, pourquoi m’épargnerais-tu dans mes souffrances, toi qui as osé tenter mon Dieu, ruais sans pouvoir le vaincre ; car tu es resté écrasé sous sa puissance, comme la bête fauve sous les coups du chasseur ? Je ne crains, dit-il, aucun des supplices qu’il te plaira de m’infliger, et ce qui ranime mon courage, c’est de te voir prendre à mon égard des airs de pitié et de miséricorde. Démon, lève-toi dans ta fureur ; pour éprouver la foi et le courage d’une âme chrétienne, ce n’est pas trop de tous les tourments réunis.
2. Dans sa fureur et sa colère, l’impie Dacianus s’écria : Celui-ci ne peut me vaincre ; pendant qu’il est encore vivant, qu’on lui inflige les tourments les plus cruels. O courage indomptable ! O force d’âme invincible ! Saint Vincent est torturé, broyé, flagellé, brûlé, et

  1. Rom. 8, 18
  2. Apoc. 5, 5