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Abraham l’avait reçu ; mais Abraham le reçut avec les anges, tandis que Zachée le reçut avec les Apôtres ; alors le Seigneur se dirigeait vers Sodome ; aujourd’hui il parcourait la Judée. La bénédiction divine donna un fils à Abraham, tandis que par cette même bénédiction Zachée fut mis au nombre des enfants d’Abraham. Abraham offrit son fils au Seigneur, Zachée lui offrit ses biens ; celui-là donna son héritier, celui-ci donna son héritage ; celui-là immola le gage qu’il avait de la postérité qui lui avait été promise, celui-ci offrit la substance de son patrimoine. Zachée voulut d’abord partager son patrimoine avec Jésus-Christ, et c’est alors qu’il fut proclamé enfant d’Abraham. Si donc Zachée est digne d’éloge parce qu’il partagea son patrimoine avec Jésus-Christ avant d’avoir reçu sa récompense, que dut-il éprouver lorsqu’il se vit, justifié et racheté par le sang de Jésus-Christ ?
4. Après avoir entendu mes paroles, il ne vous reste plus qu’à imiter ce beau modèle, si vous voulez appartenir à votre Père ; faites ce qu’a fait Zachée, et vous mériterez ce qu’il a mérité lui-même. La ressemblance des devoirs produit la ressemblance des mérites ; la filiation véritable exclut la différence des actes ; on ne saurait porter le même nom quand les œuvres sont directement contraires. Comment vous attribuer un nom que n’autorisent ni vos œuvres ni votre nature ? Comment vous flatter du nom de fils, quand vous ne prouvez cette filiation ni par votre foi, ni par votre origine, ni par votre famille ? Dans sa libéralité. Dieu vous a donné le pouvoir de devenir son fils, parce que vous pouvez le vouloir ; Zachée a pu le devenir par la grâce de Dieu, parce que sa volonté s’est conformée à celle de Dieu. Donnons de nos biens à ceux qui ne possèdent rien, et que personne ne s’excuse en disant : « Je n’ai ni or ni argent[1] ». Rejetez ces vains prétextes ; une légère aumône recevra une magnifique récompense ; en donnant un peu de pain à celui qui a faim, un peu d’eau à celui qui a soif, pourvu que vous le fassiez au nom du Seigneur, vous aurez droit à la même récompense que Zachée.

QUARANTE-SEPTIÈME SERMON. SUR LE MARTYR SAINT VINCENT. I.

Analyse. – 1. Force de saint Vincent. – 2. La force d’un martyr vient de Dieu. – 3. C’est h Dieu qu’il faut la demander. – 4. Les souffrances passent, mais la gloire est éternelle.


1. Jésus-Christ nous ordonne de célébrer solennellement l’héroïque et glorieux martyre de saint Vincent, et nous ne pouvons le prêcher avec indifférence. Nous avons médité ce qu’il a souffert, ce qui lui a été dit, ce qu’il a répondu, et tout cela a produit sous nos yeux un admirable spectacle : un juge inique, un bourreau cruel, un martyr invincible, la barbarie d’un côté, la piété de l’autre ; d’un côté la folie, de l’autre la victoire. En entendant la lecture des actes du martyr, nous avons senti la charité s’enflammer dans nos cœurs ; s’il eût été possible, nous aurions voulu recueillir et baiser avec respect ces membres en lambeaux, dont les souffrances nous frappaient d’étonnement et produisaient sur nous un attrait inexplicable, puisque nous ne voulions pas être crucifiés. Qui voudrait contempler un bourreau dépouillé lie toute humanité, et déchargeant sa fureur sur un corps humain ? Comment arrêter ses regards sur des membres disloqués,

  1. Act. 3, 6