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divin ne me fera pas défaut. Exercez votre pouvoir, soyez même cruelle à mon égard ; car vous ne souillerez pas ma chasteté. C’est sans motif que vous combattez avec moi ; je ne dors pas avec vous, parce que Dieu veille avec moi ; cessez, ô femme, cessez vos séductions ; vous m’alléguez que votre époux est absent, qu’il ne connaîtra pas votre crime ; oubliez-vous donc que Dieu est partout ? La porte est fermée sur nous, mais sachez que tout est connu de Dieu. Partout ses regards atteignent les bons et les méchants. Il voit tout, il discerne tout, il sonde tous les désirs ; son empire est universel, et en sa présence vous oseriez commettre l’adultère ? Femme, gardez le silence, souvenez-vous de votre époux et craignez votre Dieu. Supposez que tous les yeux sont fixés sur vous, et ne provoquez pas l’innocence au crime. Craignez le jugement de Dieu ; sachez que vous êtes en présence des anges du Seigneur. Vous ne pouvez souiller la pureté de mon corps cessez donc vos attaques, rougissez de vos séductions, craignez les hommes absents ou tremblez devant les anges. Supposé que je cède et que je consente à vos désirs ; comment seriez-vous encore ma maîtresse ; et, devenue adultère, quel empire auriez-vous sur moi ? Comment pourriez-vous encore soutenir les regards de votre époux, quand vous lui préparez des embûches ; oseriez-vous encore lui donner le baiser ordinaire de l’amitié, quand vous pensez à l’immoler ; comment lui parleriez-vous encore, quand vous tentez de souiller sa couche ? Imitez, ô femme, imitez la tourterelle, chaste, pudique et modèle de fidélité conjugale. Dès qu’elle est unie, elle ne cherche plus à se séparer ; la mort même de son conjoint n’est pas pour elle un motif de courir à d’autres affections. Des oiseaux peuvent rester fidèles et braver l’isolement que leur a fait la mort, et vous, femme malheureuse, vous oseriez souiller le lit nuptial ? Prenez modèle sur les oiseaux et restez fidèle à votre époux. Impudique, imitez la chasteté de la tourterelle, rejetez la pensée même du crime ; car toutes vos flatteries ne pourront séduire ma jeunesse. Ainsi parlait Joseph, et ce noble langage ne faisait qu’enflammer davantage la passion de l’Égyptienne ; ses regards pleins d’un feu impur se fixaient sur le jeune homme et, s’apercevant qu’ils le laissaient froid et impassible, sa passion devint de plus en plus furieuse. Trouvant ses paroles impuissantes, elle porte les mains sur Joseph. Mais l’athlète du Christ, ne sachant plus comment échapper à cette femme impudique, lui abandonne le vêtement dont il était couvert, et ainsi découvert se précipite hors de la chambre et y laisse cette malheureuse désespérée de ses vains efforts.
5. L’Égyptienne coupable se trouva seule tenant dans ses mains le vêtement qui devait lui servir d’instrument. à un faux témoignage ; sa honte était à son comble, elle avait tous les remords du crime sans en avoir goûté les douceurs. Joseph s’était enfui abandonnant son vêtement. Les anges sont dans la joie, les archanges tressaillent d’allégresse, toute l’armée céleste est dans l’exultation, tandis que les démons rugissent de leur défaite. Les anges au ciel chantent leur reconnaissance, et sur la terre les démons dévorent leur tristesse. L’Égyptienne, se voyant vaincue de tous côtés, se tourna vers son mari et porta devant lui une honteuse accusation contre le jeune homme qu’elle n’avait pu séduire. Elle accuse Joseph du crime dont elle seule était coupable. Elle lui reproche ce qu’elle-même voulait faire, et le fait condamner sans être entendu, parce qu’elle n’a pu satisfaire la passion qui la dévorait. Le mari, croyant à la fausse déposition de sa femme, se laisse facilement aller à la fureur. Il menace, il éclate en invectives, il s’emporte de colère et ordonne de jeter Joseph dans les fers. Joseph est dans la prison, chargé de chaînes en récompense de sa belle victoire, et en attendant qu’il y reçoive le don d’interpréter les songes. Il entre joyeux, chaste et pur, et parfaitement assuré de l’intégrité de sa vertu. Toutefois sa justification se fait longtemps attendre, et peut-être aurait-il été oublié dans les fers, si le Seigneur n’avait envoyé au roi Pharaon un songe dont l’explication devait rendre à Joseph sa liberté. L’interprétation qu’il donne de ce songe est acceptée sans hésitation. Il révèle l’avenir, il annonce des événements futurs ; tout est par lui dévoile, et à l’époque de la famine, Pharaon établit Joseph l’administrateur suprême de toute l’Égypte. Joseph doit à sa chasteté sa délivrance, son exaltation, sa puissance sans borne ; cette vertu devint pour lui le principe de son élévation, de son bonheur, de sa justice sur la terre et de la félicité dont il est couronné dans les cieux.