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rapprochés du ciel et du Saint-Esprit, et voici que pour la sanctification de l’Orient, de l’Occident, du Nord et du Midi, le Saint-Esprit descend le cinquantième jour et fait rayonner sa sainteté sous la forme de langues de feu. Mais ce feu purifie plutôt qu’il ne brûle, et il produit encore le rafraîchissement de la sanctification, comme autrefois dans la fournaise il changea les flammes en bienfaisante rosée. Comment le feu ne deviendrait-il docile et doux sous l’action du Saint-Esprit, puisque la fournaise ardente est devenue un séjour de délices ? Aimons à contempler les lèvres des Apôtres ; aimons à entendre le cantique des enfants ; et sur les Apôtres et sur les enfants nous retrouverons les langues de feu. C’est l’Esprit-Saint qui a sanctifié vos Pères ; c’est lui qui a donné à de pauvres pêcheurs le pouvoir de nous faire entendre un langage céleste. Quel étonnement ne dut-on pas éprouver quand on entendit ces enfants dans la fournaise, s’écriant au milieu des flammes : « Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos Pères[1] » Les Chaldéens furent saisis d’effroi et ne purent s’expliquer cet étrange spectacle. Comment contempler sans frémir ces enfants tout éclatants de lumière, se jouant en liberté dans cet océan de feu et célébrant le Seigneur dans leurs cantiques nouveaux ? De même, au jour de la Pentecôte, que ne durent pas éprouver les Juifs réunis de tous les pays du monde, en entendant les Apôtres leur parler à tous leur propre langue ? C’est ainsi que le Saint-Esprit réunissait dans une admirable unité toutes les nations de l’univers. Toutes les langues venaient ainsi se confondre dans le langage des Apôtres devenus miraculeusement les interprètes de tous les peuples.
2. Appelés à prêcher le royaume des cieux à toutes les nations, les Apôtres devaient consacrer dans leur : personne la langue de tous les peuples. Ils ne parlaient qu’une seule langue, et cette langue était comprise de tous, semblable à la marine qui n’était que d’une seule espèce et avait la propriété de satisfaire à tous les goûts. Ce prodige était opéré par l’Esprit-Saint qui sait se révéler dans l’unité de toutes les nations. En effet, de même que l’Esprit-Saint, Dieu unique avec le Père et le Fils, daigne multiplier ses dons sans les différencier essentiellement ; de même les Apôtres ne parlaient qu’une seule langue, et cependant tous les auditeurs de nations diverses y reconnaissaient leur, propre langage. La vue et l’ouïe y trouvaient une douce satisfaction, car devant une compréhension parfaite la discussion n’est plus possible ; aussi ces pauvres pêcheurs de Galilée ; paraissaient-ils porter sur leur front et sur leurs lèvres un diadème royal. Car il est Roi, celui qui est descendu du ciel ; voilà pourquoi il siège sur les lèvres des Apôtres comme sur son trône, après avoir établi en eux son empire et sa domination. C’est là ce qu’a su parfaitement le Saint-Esprit, qui toujours est Dieu dans les pères et dans les enfants, dans les Prophètes et dans les pécheurs ; il aime toujours à reposer sur les hauteurs.
3. Il trouva les Apôtres dans la partie supérieure du cénacle et écrivit la loi dans leur esprit, comme il l’avait gravée sur les tables, au sommet du Sinaï. C’était alors sur des tables de pierre, à cause de la dureté de cœur des Juifs ; mais aujourd’hui c’est dans l’esprit des Apôtres, parce que nous ne sommes plus sous la loi de crainte, mais sous la loi d’amour. Sur le mont Sinaï, la loi fut donnée au milieu des éclairs et du tonnerre ; dans le cénacle, si ce sont des langues de feu, c’est un feu qui rafraîchit. Au pied du Sinaï, la foule effrayée prenait la fuite pour ne pas entendre la voix terrible du Seigneur ; à Jérusalem, lés nations réunies de toutes les parties de l’univers, loin de prendre la fuite, se massent pour entendre le Saint-Esprit parlant par ses ministres.
4. Vous avez entendu nommer les Parthes, les Mèdes, les Indiens, les Perses, les Crétois, les Arabes et autres peuples désignés dans le livre des Actes des Apôtres. Le monde tout entier y était représenté ; le quarantième jour, celui de l’ascension du Seigneur, les avait rassemblés à Jérusalem ; parce que le nombre des dix préceptes renferme pour l’univers toute l’autorité des saintes Écritures. Quatre fois dix font quarante ; reste une autre dizaine qui est celle de la vie éternelle, où les pêcheurs recevront la récompense dont le gage leur a été donné par le Saint-Esprit : Toutes les promesses ont reçu leur accomplissement authentique. Le sacrement de la cinquième dizaine s’est pleinement réalisé ; la grâce des cinquante jours rayonne dans toute son expansion, la joie possède toute sa perfection.

  1. Dan. 3, 26