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mêmes notre propre conscience. Nous voyons le visage d’un autre, nous ne voyons pas le nôtre ; nous voyons notre conscience, et nous ne voyons pas celle d’autrui. Mais notre conscience ne peut être ailleurs qu’en nous, tandis que l’Esprit-Saint peut très-bien être sans nous ; c’est pourquoi il nous est donné, afin d’être aussi en nous. Mais nous ne pouvons le voir et le connaître comme il veut être vu et connu, que s’il est en nous.

SOIXANTE-QUINZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS-CHRIST : « JE NE VOUS LAISSERAI PAS ORPHELINS », JUSQU’À CES AUTRES : « ET MOI AUSSI JE L’AIMERAI ET JE ME DÉCOUVRIRAI À LUI ». (Ch. 14, 18-21.)

RÉCOMPENSE DE LA FIDÉLITÉ À JÉSUS-CHRIST.

Le Sauveur promet à ses Apôtres, s’ils sont fidèles à ses commandements, non seulement de se manifester à eux après sa résurrection, mais aussi de leur communiquer la vie éternelle, et de se faire voir à eux pendant l’éternité.


1. Jésus-Christ avait promis à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit ; mais, pour les empêcher de croire qu’il voulait l’envoyer à sa place, et qu’il ne serait plus lui-même avec eux, Notre-Seigneur ajouta ces paroles : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai a à vous ». Les orphelins sont des pupilles. Le mot grec d’orphelin a la signification de pupille ; car, dans le psaume où nous lisons : « Vous serez le protecteur du pupille [1] », la version grecque porte : protecteur de l’orphelin. Le Fils de Dieu nous a adoptés pour les enfants de son Père, et il a voulu que nous ayons pour Père selon la grâce, celui qui est son Père selon la nature ; et néanmoins, il nous témoigne une tendresse toute paternelle lorsqu’il dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai à vous ». C’est encore pour cela qu’il nous appelle les enfants de l’Époux, lorsqu’il dit : « L’heure viendra où l’Époux a leur sera enlevé, et alors les enfants de l’Époux jeûneront [2] ». Quel est l’Époux, sinon le Seigneur Jésus-Christ ?
2. Il dit ensuite : « Encore un peu de temps, et le monde ne me voit plus ». Eh quoi ! est-ce qu’alors le monde le voyait ? puisque par le nom de monde il veut désigner ceux dont il a parlé plus haut en ces termes : « Le monde ne peut recevoir le Saint-Esprit, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas ». Le monde, assurément, voyait de lui ce qui pouvait se voir des yeux de la chair ; mais il ne voyait pas le Verbe divin caché sous le voile de la chair : il voyait l’homme, mais ne voyait pas le Dieu ; il voyait le vêtement, mais ne voyait pas celui qui le portait. Après sa résurrection, il laissa voir son corps à ses disciples, il leur permit même de le toucher, mais il ne voulait pas le montrer à ceux qui n’étaient pas du nombre des siens. Aussi est-ce peut-être ce qu’il faut entendre par ces paroles : « Encore un peu de temps, et le monde ne me voit pas ; pour vous, vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez ».
3. Que signifient ces mots : « Parce que je vis et que vous vivrez ? » Pourquoi dit-il qu’il vit lui-même présentement, et que, pour eux, ils vivront plus tard, sinon parce qu’il promettait de leur donner plus tard la vie qui animerait d’abord son corps ressuscité ? Et comme sa résurrection allait avoir bientôt lieu, il en parle au temps présent, pour en montrer la proximité. Mais comme la résurrection de ses disciples devait être différée jusqu’à la fin du monde, il ne dit pas : Vous vivez, mais : « Vous vivrez ». Ces deux résurrections, la sienne qui devait avoir lieu peu après, et la nôtre qui arrivera à la fin du monde, Notre-Seigneur les a ainsi promises d’une façon élégante et brève, par ces deux mots dont l’un regarde le présent et l’autre

  1. Ps. 9, 14
  2. Mt. 9, 15