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TROISIÈME SERMON.

DÉLAI DE LA CONVERSION. « NE TARDEZ PAS À VOUS CONVERTIR AU SEIGNEUR », (Sir. 5, 2)

ANALYSE. —1. Les bonnes œuvres sont nécessaires avec la foi. —2. Reproches mérités par ceux qui remettent de jour en jour. —3. Remède au désespoir et à la présomption. —4. Nécessité de se convertir sur-le-champ. —5. Conclusion.


1. Les fréquentes exhortations que nous adressons à nos frères sur les bonnes œuvres, nous ont appris que, parmi eux, les uns sont lents pour la justice et pour l’aumône, tandis que d’autres sont très-prompts à la luxure et à l’avarice. Ces dispositions nous portent à croire que ceux qui les possèdent ont cessé de craindre le jugement futur. Et, en effet, mes frères, à la vue de ces chrétiens lâches et négligents qui n’évitent même pas le péché et n’ont aucun souci de s’assurer par les bonnes œuvres la récompense éternelle, ne sommes-nous pas naturellement tentés de conclure qu’ils n’ont même plus la foi aux récompenses pour les bons, ni aux châtiments pour les méchants, récompenses et châtiments qui sont pourtant les conséquences nécessaires du jugement de Dieu ? Si donc, mes frères, la crainte du jugement de Dieu réside encore réellement quelque part, c’est uniquement dans le cœur de ceux qui s’appliquent aux bonnes œuvres. Quant à ceux qui négligent les bonnes œuvres, la lecture, la prière, ou ne s’y livrent que pour la forme, qu’importe qu’ils se flattent d’avoir la foi, si leur affirmation est démentie par leur conduite ? Qu’ils écoutent ces paroles de l’apôtre saint Jacques « Que servira-t-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi pourra –-t-elle le sauver ? Que si l’un de vos frères et l’une de vos sœurs n’ont point de quoi se vêtir, et qu’ils manquent de ce qui leur est nécessaire chaque jour pour vivre ; et que quelqu’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, je vous souhaite de quoi vous couvrir et de quoi manger, sans leur donner néanmoins de quoi satisfaire aux nécessités de leur corps, à quoi serviront vos souhaits ? Ainsi la foi qui n’est point accompagnée des œuvres, est morte en elle-même[1] ». C’est à ces hommes que Dieu s’adresse, c’est leur infidélité qu’il condamne en ces termes: O hommes incrédules, si vous ne croyez pas à mes promesses, considérez que j’ai fait le ciel et la terre. « J’ai dit, et tout a été fait[2] ». Vous, à qui s’adressent mes promesses, vous n’étiez pas, et vous avez été fait. Un homme qui n’existe pas, je le crée, et après l’avoir créé, je le tromperais ! Recueillez donc avec attention mes paroles, et croyez qu’à votre égard j’accomplirai toujours mes promesses.
2. Oh ! qu’elle est donc faible et malade, malheureuse et ignorante, criminelle et impuissante, cette disposition intérieure et funeste qui entasse devant une âme tous les obstacles possibles à la conversion et ne laisse de passage que pour le mal et le péché ! Aujourd’hui se passe, le lendemain se passe, le lendemain s’ajoute au lendemain, et, remettant de jour en jour votre conversion, vous ne craignez pas d’être saisi tout à coup par la mort subite. Vous qui remettez toujours et différez de faire pénitence, et qui feignez de chercher la divine miséricorde, ignorez-vous donc que beaucoup d’hommes meurent subitement ? Vous avouez qu’il est bien de reconvertir ; mais si c’est bien, faites-le donc sur-le-champ ; si c’est bien de recevoir dans peu, est-ce donc un mal de recevoir à l’instant ? Veuillez me dire pourquoi vous ne vous empressez pas de recevoir ce que vous avouez être bon ? Vous me répondrez peut-être que Dieu lui-même vous met en sûreté.

  1. Jac. 2, 14
  2. Gen. 1, 3