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DEUXIÈME SERMON.

L’ARBRE DE LA SCIENCE DU BIEN ET DU MAL.

ANALYSE. —1. Exorde. —2. Pourquoi Dieu, sachant que le premier homme devait pécher, n’a-t-il pas rendu le péché impossible. —3. La mort a eu pour cause le mépris du précepte divin. —4. Dieu a-t-il de permettre le péché ? — 5. Si Adam est mauvais, ce n’est pas précisément parce qu’il est le père d’un homicide. —6. De même Dieu n’est pas l’auteur du mat, quoiqu’il soit le créateur d’Adam, pécheur. —7. Conclusion.


1. Je me propose de payer la dette que j’ai contractée envers vous ; mais je ne retrouve plus mes anciens créanciers ; je n’en vois que quelques-uns et je réclame les autres. O créancier paresseux, au lieu de venir exiger ce qui vous est dû, pourquoi nous affliger par votre absence ? Mon plus grand désir c’est de payer ma dette, et le créancier me fait défaut. N’est-ce pas chose nouvelle de voir un débiteur supplier le créancier d’accepter son paiement, et le créancier s’excuser de ne pas venir toucher sa créance ? Mais qu’importe ; si le créancier refuse de venir, que du moins le débiteur accomplisse sa promesse.
2. Malgré toutes les preuves précédemment énoncées, notre calomniateur, loin de s’avouer convaincu, nous réplique : Dieu savait-il, oui ou non, que l’homme peut pécher ? Pour ne pas lui laisser la satisfaction de croire que sa question est sérieuse, répondons-lui sur-le-champ : Oui, Dieu le savait parfaitement. – Mais si Dieu savait que l’homme peut pécher, pourquoi ne lui a-t-il pas rendu le péché impossible ? – Pourquoi ? Parce que l’homme ne doit pas être couronné contre son gré. Qui donc, mes frères, oserait donner la récompense à celui qui n’a pas travaillé ? ou la couronne à celui qui n’a pas combattu ? Toute victoire ne suppose-t-elle pas une bataille ? Écoutez l’Apôtre formulant cet oracle divin : « Personne n’est couronné, s’il n’a légitimement combattu[1] ». Adam n’a ni combattu, ni engagé la lutte avec le démon ; devant la première suggestion perfide, il a perdu la récompense de l’immortalité. Il a été vaincu, parce qu’il n’a pas combattu ; il a succombé à sa propre volonté, et non pas à la nécessité. Calomniateur, vous qui ne savez pas lever le masque qui vous voile, et qui calomniez le Seigneur, voulez-vous savoir pourquoi le premier homme a péché volontairement ? Job lui était de tous points semblable. Et pourtant quelles ne furent pas ses souffrances et ses douleurs ! Il combattit courageusement et triompha ; le démon avait reçu de Dieu plein pouvoir de l’éprouver, et Job supporta vaillamment cette épreuve. Puisque Dieu savait que Job ne pourrait pas être vaincu, il ne devait pas le livrer en la puissance du démon ; mais il a voulu qu’il fût soumis à ces horribles épreuves, afin de nous ôter tout prétexte de nous excuser ou de calomnier. Privé de tous ses biens et de toutes ses richesses, Job n’a pu être vaincu, parce qu’il n’a pas voulu se laisser vaincre. Il perdit ses fils et il bénit le nom du Seigneur. Il y a plus encore ; car, devenu lui-même tout couvert d’ulcères, il se vit jeté sur un fumier et ne prononça contre Dieu aucune parole de reproche ou de blasphème. Ses souffrances pouvaient lui arracher des cris, mais ce ne furent jamais des cris de révolte. Sa femme elle-même parut tout à coup lui avoir été laissée, non pas pour lui prêter secours, mais pour accroître ses épreuves ; elle aida au démon, mais se tourna contre son mari. Séduite par l’esprit menteur, elle disait à son époux : « Jusques à quand subirez-vous toutes ces douleurs ? dites une parole contre le Seigneur, afin qu’il s’irrite contre vous et vous frappe de mort[2] ». O affection d’une épouse ! ô tendresse conjugale ! Elle ne dit pas : Humiliez-vous devant le Seigneur, afin qu’il ait

  1. 2 Tim. 2, 5
  2. Job. 2, 9