Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

es, par conséquent, un antéchrist. Au dedans ou au dehors, peu importe ; tu n’en es pas moins un antéchrist ; un antéchrist caché, si tu l’es intérieurement ; un antéchrist déclaré, si tu l’es au dehors ; voilà toute la différence. Tu brises le Christ et tu nies qu’il soit venu dans la chair ; tu n’es pas de Dieu. C’est pourquoi le Sauveur dit dans l’Evangile : « Celui qui détruira l’un de ces moindres commandements et qui instruira ainsi les hommes, sera le dernier dans le royaume des cieux ». Qu’est-ce à dire : Est détruit ? Qu’est-ce à dire : Est enseigné ? Est détruit par les œuvres ; est enseigné comme de bouche. « Vous qui prêchez qu’il ne faut pas dérober, vous dérobez[1] ». Celui qui dérobe détruit le précepte par sa conduite, et il semble ainsi recommander le vol. « Il sera le dernier dans le royaume des cieux », c’est-à-dire dans l’Église du temps. De cet homme il a été dit : « Faites ce qu’ils vous disent ; mais ce qu’ilsfont, ne le faites pas[2]. Mais celui qui fera et « enseignera sera appelé grand dans le royaume des cieux[3] ». Il oppose ici le mot« fera » au mot « détruira » qu’il a dit plus haut ; en d’autres termes : Celui qui fera et qui enseignera de la même façon. Par conséquent, celui qui ne fait pas, détruit. Que nous enseigne-t-il, sinon à examiner les actes et à ne pas nous fier aux paroles ? L’obscurité des choses nous force à parler beaucoup, car notre principal but est de mettre à la portée de nos frères, même les plus arriérés, ce que le Sauveur a bien voulu nous révéler ; en effet, ils ont tous été rachetés au prix du sang du Christ. Je crains même que cette Epître ne soit pas, comme je l’avais promis, complètement expliquée ces jours-ci ; mais, s’il plaît à Dieu, il vaudra mieux ne pas terminer tout à fait que surcharger vos cœurs d’une nourriture trop abondante.

SEPTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « MES PETITS ENFANTS, VOUS ÊTES DE DIEU », JUSQU’À CES AUTRES : « NUL HOMME N’A JAMAIS VU DIEU ». (Chap. 4, 4-12.)

DIEU EST AMOUR.

Les antéchrists, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas la foi soutenue par les œuvres de la charité, ne connaissent pas Dieu ; au lieu de l’écouter, ils prêtent l’oreille aux leçons d’un monde égoïste et vindicatif. Pour nous qui croyons et aimons, nous savons que Jésus-Christ vient de Dieu, que Dieu est amour, et que nous devons le payer de retour en aimant nos frères ; nous ne voyons pas Dieu, mais encore une fois il est amour ; son amour pour nous s’est montré par le don de son Fils ; notre amour doit aussi se manifester par les œuvres, et inspirer toute notre conduite pour lui donner du prix.



1. Pour tous les fidèles qui soupirent après la céleste patrie, le monde est ce qu’était le désert pour le peuplé d’Israël. Ils n’étaient pas encore arrivés au pays de leurs pères, ils voulaient y entrer ; mais sous la conduite de Dieu, ils ne pouvaient se tromper de chemin ; les ordres de l’Éternel leur servaient de guide. Quarante années durant, ils firent des marches et des contre-marches, s’arrêtèrent très peu le long de leur chemin ; tous le savent. Leur marche était sans cesse retardée, non que Dieu les abandonnât, mais parce qu’il les éprouvait. Ce que Dieu nous promet est d’une ineffable douceur ; cela est bon, nous dit l’Écriture, et vous nous avez entendus bien des fois vous rappeler « que l’œil de l’homme ne l’a point vu, que son oreille ne l’a pas entendu, que son cœur ne l’a jamais compris[4] ». Les maux du temps nous éprouvent ; nous puisons notre instruction dans les peines de la vie présente. Mais, si dans ce désert vous ne voulez point mourir de soif, désaltérez-vous à la source de la charité. Cette

  1. Rom. 2, 21
  2. Mt. 23, 3
  3. Id. 5, 19
  4. Isa. 64, 4 ; 1 Cor. 2, 9