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de l’eau froide ; quand elle doit être inoffensive, il te la donne ; mais il te la refuse, si elle est capable de te nuire ; dès lors qu’il ne cède pas à tes instances, peut-on dire qu’il ne t’écoute pas, ou plutôt, ne faut-il pas dire qu’il t’écoute pour te guérir ? Mes frères, que la charité soit en vous ; qu’elle soit en vous, et soyez tranquilles ; quand vous demandez sans recevoir, Dieu vous exauce, mais vous l’ignorez. Plusieurs ont été livrés entre leurs propres mains pour leur malheur ; c’est d’eux que l’Apôtre dit : « Dieu les a abandonnés aux désirs de leur cœur[1] ». Un homme a demandé une fortune considérable ; il l’a obtenue pour son malheur. Lorsqu’il ne la possédait pas, il éprouvait peu de craintes ; depuis qu’il en jouit, il est devenu la proie de plus fort que lui. N’a-t-il pas été exaucé pour son malheur, celui qui a désiré du bien temporel ? Quand il était pauvre, personne ne pensait à lui ; aujourd’hui les voleurs lui tendent des piéges pour le dépouiller. Apprenez à prier Dieu ; confiez-vous à lui comme à votre médecin ; qu’il fasse comme il l’entend. A toi de déclarer ton mal ; à lui d’y appliquer le remède. Aie seulement soin de conserver la charité. Car il veut trancher dans le vif, il veut brûler ; tu cries et tu ne peux l’empêcher de couper, de brûler, de faire mal ; il sait, lui, jusqu’où va la plaie. Tu veux qu’il retire vite la main ; pour lui, il sonde la blessure. dans toute sa profondeur. Il repousse tes prières, mais il écoute l’intérêt de ta santé. Soyez donc assurés, mes frères, de la vérité de ce que dit l’Apôtre : « Nous ne savons ce que nous devons demander dans la prière ; mais l’Esprit demande lui-même pour nous, par des gémissements inénarrables, parce que lui-même interpelle pour les saints[2] ». Qu’est-ce à dire : « L’Esprit lui-même interpelle pour les saints », sinon la charité elle-même que l’Esprit a déposée dans ton cœur? Voilà, en effet, pourquoi le même Apôtre dit ailleurs : « La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[3]». La charité elle-même gémit ; elle prie : Celui qui nous l’a donnée, ne sait point fermer l’oreille à ses cris. Sois tranquille ; que ta charité prie. il y a là des oreilles pour l’écouter ; ce sont celles de Dieu ; ce que tu désires, il ne le fait pas, mais il fait ce qui t’estutile. Donc, « tout ce que nous demanderons, nous le recevrons de lui ». Je l’ai déjà dit : si tu comprends ces paroles dans le sens du salut, elles n’offrent pas la moindre difficulté. Si tu les entends dans un autre sens, tu y trouves une difficulté, et une grande, et, en conséquence, tu accuses à tort l’apôtre Paul : « N’importe ce que nous demandions, nous le recevrons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons, en sa présence, ce qui lui plaît ». « En sa présence », au fond du cœur où plongent ses regards.


9. Et quels sont ces commandements ? « Or », dit Jean, « le commandement qu’il nous a donné est de croire au nom de son Fils « Jésus-Christ, et de nous aimer les uns les a autres ». Vous voyez que tel est son commandement ; vous voyez que quiconque le viole, commet un péché dont reste innocent celui qui est né de Dieu. « Comme il nous l’a prescrit », de nous aimer les uns les autres. « Et celui qui garde les commandements de Dieu » ; vous voyez qu’il ne nous ordonne rien autre chose que de nous aimer mutuellement. N’est-il pas évident que la présence du Saint-Esprit dans une âme a pour effet d’y établir l’amour et la charité ? Ce que dit l’apôtre Paul n’est-il pas hors de doute : « La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint, qui nous a été donné ? » Parlant de la charité, il disait qu’en présence de Dieu, nous devons interroger notre cœur. « S’il ne nous rend pas un mauvais témoignage », c’est-à-dire, si tout ce que nous faisons de bien, nous le faisons par amour de nos frères. Ajoutons à cela, qu’en parlant aussi du commandement de Dieu, il s’exprime ainsi : « Or, le commandement qu’il nous a donné est de croire en son Fils Jésus-Christ, et de nous aimer les uns les autres. Et, quiconque observe le commandement de Dieu, demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui ; et c’est par l’Esprit qu’il nous a donné que nous connaissons qu’il demeure en nous ». Car si tu reconnais que tu as la charité, c’est que tu as l’Esprit de Dieu pour le comprendre ; or, c’est une chose singulièrement nécessaire à savoir.


10. Dans les premiers temps, l’Esprit-Saint descendait sur les fidèles ; ils parlaient, selon que l’Esprit leur donnait de le faire, un

  1. Rom. 1, 24
  2. Id. 8, 26-27
  3. Id. 5, 5