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justes comme Jésus-Christeest juste », avons-nous le droit de penser que nous sommes égaux à Dieu ? Vous devez connaître le sens du mot « comme », car l’Apôtre a déjà dit précédemment : « Il se rend pur, comme Jésus-Christ lui-même est pur ». Notre pureté, notre justice serait-elle donc égale et pareille à la pureté, à la justice de Dieu ? Qui oserait parler ainsi ? « Comme » ne veut pas toujours établir une égalité parfaite. Je suppose qu’après avoir vu cette immense basilique, un architecte veuille en faire une plus petite, proportion gardée néanmoins dans les dimensions, et que, par exemple, celle-ci ayant une longueur double de sa largeur, il fasse la sienne du double plus longue que large, il semble avoir construit une église comme celle-ci. Mais la plus grande a, je suppose encore, cent coudées, tandis que la plus petite en a seulement trente : la seconde est comme la première, et cependant elle ne lui est pas égale. Vous le voyez donc : on n’emploie pas toujours le mot a comme u dans le sens de la parité et de l’égalité. Remarquez, par exemple, quelle différence il y a entre la figure d’un homme et son image reproduite dans un miroir : dans l’image, dans le corps, même figure ; mais l’image n’est qu’une imitation, le corps est une réalité. Que disons-nous ? Là comme ici on aperçoit des yeux ; si l’on voit ici des oreilles, on en voit aussi là. Très-différentes sont les choses, mais le mot « comme » est employé dans le sens de similitude. Nous avons donc une ressemblance avec Dieu, mais elle n’est pas la même que la ressemblance du Fils avec le Père, dont il est l’égal ; si, pourtant, dans la faible proportion de notre nature, nous n’étions pas comme lui, on ne pourrait, sous aucun rapport, nous dire semblables à lui. Il nous rend donc purs, comme lui-même est pur ; mais il l’est éternellement, et nous, nous le sommes sous l’empire de la foi. Nous sommes justes comme lui-même est juste ; mais s’il l’est, c’est dans l’immuable perpétuité de son être, tandis que nous le sommes en croyant en Celui que nous ne voyons pas, afin de le contempler un jour. Et lorsque notre justice sera parvenue au comble de la perfection, quand nous serons les égaux des anges, notre justice ne sera pas encore égale à celle de Dieu. Combien donc est-elle maintenant loin de l’égaler, puisqu’alors même on ne pourra établir entre elles de parité ?


10. « Celui qui commet le péché est enfant du démon, parce que le démon pécha dès le commencement. Il est enfant du démon ». Jean veut dire, vous le savez : il imite le démon. En effet, le démon n’a ni fait, ni engendré, ni créé personne ; mais quiconque l’imite, reçoit en quelque sorte la vie de lui ; il devient son fils, non parce qu’il naît réellement de lui, mais parce qu’il l’imite. Comment es-tu fils d’Abraham ? Est-ce qu’Abraham t’a engendré ? De la même manière que les Juifs, fils d’Abraham, mais non héritiers de sa foi, sont devenus les enfants du démon. Ils étaient ses descendants selon la chair, mais ils n’ont pas imité sa foi. Si les enfants d’Abraham ont été déshérités pour ne pas avoir imité leur père ; par une raison tout opposée, tu deviendras son fils, quoiqu’il ne t’ait pas engendré, et ainsi tu mériteras ce beau titre, parce que tu marcheras sur ses traces. Si, au contraire, tu imites le diable qui, par orgueil et impiété, s’est déclaré contre Dieu, tu deviendras son fils, non qu’il t’ait créé ou mis au monde, mais parce que tu suivras son exemple.


11. « Le Fils de Dieu est venu dans le monde ». Voilà donc, mes frères, que tous les pécheurs, en tant que pécheurs, sont devenus enfants du diable. C’est Dieu qui a créé Adam, mais du moment que celui-ci a cédé aux suggestions du démon, il en est devenu le fils, et tous ceux qu’il a mis au monde, il les a engendrés pareils à lui. En naissant, nous avons apporté avec nous la concupiscence ; et avant de contracter nous-mêmes des dettes personnelles, nous sortons de cette source empoisonnée. En effet, si nous venons au monde exempts de toute faute, pourquoi se hâter de porter au baptême les petits enfants, afin de les dégager des chaînes du démon ? En nous donc, remarquez-le, mes frères, en nous deux naissances, l’une en Adam, l’autre dans le Christ. Ce sont deux hommes, mais l’un d’eux est un homme-homme, l’autre un homme-Dieu ; l’homme-homme nous fait pécheurs, l’Homme-Dieu nous rend justes. Par notre naissance en Adam, nous avons été précipités dans la mort ; par notre naissance dans le Christ, nous avons été élevés à la vie ; la première des deux nous entraîne dans le péché, la seconde nous en délivre. Car le Christ-Homme est venu pour détruire les péchés des hommes : « Le Fils de Dieu est venu