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trouvons-nous cette sentence ? Écoute l’apôtre Paul ; en parlant de tels hommes, il a dit : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres[1] ». Nous voyons qu’ils sont eux-mêmes des antéchrists, car quiconque renonce le Christ par sa conduite, en est un. Je n’entends pas ce qu’il dit, mais je vois ce qu’il fait. Ses œuvres parlent, et nous lui demandons des paroles ? Où est, en effet, le méchant qui ne cherche pas à dire de belles choses ? Mais qu’est-ce que le Seigneur dit à des gens de ce caractère ? « Hypocrites, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, puisque vous êtes méchants[2] ? » Vous faites retentir à mes oreilles les accents de votre voix ; moi, j’examine vos pensées secrètes ; j’aperçois en vous des intentions perverses et vous me faites voir des fruits trompeurs. Je sais quelle récolte vous me préparez ; on ne cueille point de figues sur des chardons, et les épines n’ont jamais produit de raisins : on reconnaît tous les arbres à leurs fruits[3]. Plus menteur est l’antéchrist, qui fait profession de reconnaître le Christ en Jésus, et qui, par ses actes, refuse de le croire. Il est un menteur, puisqu’il parle d’une manière et agit d’une autre.


9. Par conséquent, mes frères, si nous examinons la conduite des hommes, nous remarquons non-seulement qu’un grand nombre d’antéchrists sont déjà sortis de nos rangs, mais aussi que beaucoup sont encore inconnus, parce qu’ils sont restés, jusqu’à présent, au milieu de nous ; car, tout ce qu’il y a dans l’Église de parjures, de fraudeurs, de scélérats, d’amateurs de sortilèges, d’adultères, d’ivrognes, d’usuriers, d’embaucheurs, de personnes mauvaises qu’il nous est impossible d’énumérer, est opposé à la doctrine du Christ, à la parole de Dieu ; or, le Verbe de Dieu, c’est le Christ, et tout ce qui est opposé au Verbe de Dieu appartient à l’antéchrist, puisque l’antéchrist est l’adversaire du Christ. Et voulez-vous savoir combien ouvertement les méchants résistent au Christ ? Il arrive parfois qu’ils agissent contrairement à leurs devoirs, et que leurs fautes attirent une réprimande : n’osant blasphémer contre le Christ, ils blasphèment contre ses ministres, qui les reprennent de leurs péchés. Montre-leur que tu leur parles au nom duChrist, et non pas au tien ; ils s’efforcent, autant que possible, de te prouver que tes reproches viennent de toi, et non du Christ ; mais si tu parviens à leur démontrer que le Christ lui-même les condamne, ils s’en vont même contre lui, et commencent à le gourmander ; ils s’écrient : Comment et pourquoi nous a-t-il ainsi bâtis ? Ne tiennent-ils pas, tous les jours, ce langage, les hommes con. damnés par leur conduite ? Pervertis par le seul fait de leur mauvais vouloir, ils en rejettent la faute sur leur auteur. Du haut du ciel, le Créateur (car celui qui a réparé notre être nous l’a aussi donnée), leur crie : Que t’ai-je fait ? J’ai fait l’homme, et non pas l’avarice ; j’ai fait l’homme, et non le brigandage ; j’ai fait l’homme, et non l’adultère. Tu l’as entendu : mes œuvres chantent ma gloire ; de la bouche des trois enfants sortait la louange de celui qui les préservait des flammes[4]. Les œuvres du Seigneur publient ses louanges ; le ciel, la terre, la mer les publient, comme aussi tout ce qui est dans le ciel ; les anges, les étoiles, le soleil et la lune, les poissons, les oiseaux, les animaux, les reptiles, tous les êtres louent le Seigneur. Mais as-tu jamais entendu dire que l’avarice chante la gloire de Dieu, que l’ivrognerie, la luxure, le badinage soient un hymne en son honneur ? Rien de ce que tu n’entends pas louer le Tout-Puissant, n’a été fait par lui. Corrige le fruit de tes œuvres, et tu sauveras l’œuvre de Dieu en toi. Si tu n’y veux consentir, si tu aimes tes défauts et que tu t’y abandonnes, tu es opposé au Christ. Que ce soit intérieurement, que ce soit à l’extérieur, peu importe, tu n’en es pas moins un antéchrist : que tu sois de la paille manifestement ou d’une manière occulte, tu es toujours de la paille. Pourquoi ne l’es-tu pas ouvertement ? parce que la tempête ne s’est pas élevée pour le faire voir.


10. Tout cela, mes frères, est clair comme le jour. Voici maintenant pour nous empêcher de dire : Je n’adore pas le Christ, mais j’adore Dieu, son Père : « Quiconque nie le Fils, ne reconnaît ni le Fils, ni le Père ; et qui confesse le Fils, reconnaît et le Père et le Fils ». Vous, qui êtes froment, c’est à vous qu’il s’adresse : puissent ceux qui sont paille, l’entendre et devenir eux-mêmes froment. Que quiconque, en examinant saconscience,

  1. Tit. 1, 16
  2. Mt. 12, 31
  3. Id. 7, 16
  4. Dan. 3, 24-90