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Père meilleur que le Fils ; il ne connaissait donc pas même le Fils, puisqu’il s’imaginait qu’il y avait quelque chose de supérieur à lui. C’est pour redresser ses idées à ce sujet que Jésus lui dit : « Qui me voit, voit aussi le Père. Comment dis-tu : montrez-nous le Père ? » Je vois bien comment tu le dis ; tu demandes à voir, non pas une personne qui soit semblable au Fils, mais une personne meilleure que le Fils. « Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? » Pourquoi veux-tu voir de la différence dans deux sujets en tout semblables ? pourquoi veux-tu connaître séparément ceux qui sont inséparables ? Ensuite, s’adressant non plus à Philippe, mais à tous les disciples, Notre-Seigneur leur dit des choses qu’il ne faut pas discuter dans le peu de temps qui nous reste ; nous voulons les expliquer avec plus de soin, s’il veut bien nous accorder son secours.

SOIXANTE ET ONZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « LES PAROLES. QUE JE VOUS DIS, JE NE LES DIS PAS DE MOI-même », JUSQU’À CES AUTRES : « SI VOUS DEMANDEZ QUELQUE CHOSE AU PÈRE, EN MON NOM, JE LE FERAI ». (Chap. 14,10-14.)

LE FILS ENGENDRÉ DU PÈRE.

Le Fils est égal et semblable au Père, c’est pourquoi ils sont inséparables et l’un dans l’autre. Néanmoins, comme le Fils n’est pas de lui-même, puisqu’il a été engendré par le Père, les paroles qu’il dit et les œuvres qu’il fait viennent du Père : ceux qui ont la foi font des œuvres en paroles et en actions aussi grandes et même plus grandes que celles du Fils.


1. Écoutez de toutes vos oreilles et recueillez dans vos esprits, mes très-chers frères, ce que je vais vous dire, mais ce que nous enseigne Celui-là même qui ne s’éloigne pas de nous. Notre-Seigneur dit, comme vous l’avez entendu dans la lecture qu’on vient de vous faire : « Les paroles que je vous adresse, je ne les dis pas de moi-même ; mais mon Père qui demeure en moi fait les œuvres que je fais ». Les paroles sont donc des œuvres ? Oui, il en est ainsi. Car assurément celui qui, en parlant, édifie le prochain, fait une bonne œuvre. Mais que veulent dire ces mots : « Je ne parle pas de moi-même ? » Le voici : moi qui parle je ne suis pas de moi-même. Il attribue ce qu’il fait à celui dont il est lui-même, lui qui agit. En effet, Dieu le Père n’est d’aucun autre ; Dieu le Fils est, sans doute, égal au Père, mais il est de Dieu le Père. Le Père est Dieu, mais non pas de Dieu ; Lumière, mais non pas de lumière ; le Fils, au contraire, est Dieu de Dieu, lumière de lumière.
2. Les hérétiques s’attachent à chacune de ces paroles prononcées par Notre-Seigneur ; à la première : « Je ne parle pas de moi-même » ; à la seconde : « Mais le Père qui demeure en moi, fait les œuvres que « je fais » ; ils partent de là pour s’élever contre nous, et quoique peu d’accord ensemble, mais bien par des chemins opposés, ils s’éloignent également de la voie de la vérité. Les Ariens disent, en effet : Voici bien que le Fils est inégal au Père ; il ne parle pas de lui-même. Les Sabelliens, autrement dit les Patripassiens, disent au contraire : Voici que Celui qui est le Père est aussi le Fils. Car que signifient ces paroles : « Le Père, qui demeure en moi, fait les œuvres que je fais ? » Je demeure en moi-même, moi qui fais les œuvres. Vous dites ainsi des choses opposées l’une à l’autre, non pas comme le faux est opposé au vrai, mais comme deux choses fausses sont opposées entre elles. Dans votre erreur vous avez pris des routes opposées ; au milieu d’elles se trouve le chemin