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aime son frère ? Parce que le chrétien, qui aime son frère, supporte tout pour conserver l’unité ; car, dans les liens de la charité se trouve l’amour de nos frères. Tu es offensé par je ne sais qui, par un méchant, par un homme que tu supposes mal disposé ou que tu accuses indûment d’être tel, et, pour lui, tu te sépares d’un si grand nombre de bonnes gens ? Est-ce aimer ses frères, que les aimer à la manière des Donatistes ? Les Africains leur ont semblé coupables : à cause de cela, fallait-il se séparer du reste de l’univers ? N’y avait-il donc plus de saints dans le monde ? Pouviez-vous, d’ailleurs, condamner leurs adversaires sans les entendre ? Ah, si vous aimiez vos frères, il n’y aurait point de scandale en vous. Ecoute ce que dit le Psalmiste : « Paix abondante à ceux qui aiment votre loi ; ils n’ont aucun sujet de scandale[1] ». Il promet à ceux qui aiment la loi de Dieu, de jouir d’une grande paix et de n’avoir aucune occasion de se scandaliser. Ceux-là donc qui se scandalisent, perdent la paix. Et quels sont, à son avis, ceux qui ne deviennent ni victimes ni causes de scandale ? Ceux qui aiment la loi de Dieu : ils se trouvent donc au sein de la paix. Mais, remarquera quelqu’un, le Psalmiste parle, non de ceux qui aiment leurs frères, mais de ceux qui aiment la loi de Dieu. Ecoute ce que dit le Seigneur : « Je vous donne un commandement nouveau, c’est de vous aimer les uns les autres ». Qu’est-ce qu’une loi, sinon un commandement ? Comment donc se fait-il qu’il faille se supporter les uns les autres,, pour ne pas être scandalisé ? Le voici : « Supportez-vous mutuellement dans le sentiment de la charité », dit l’apôtre Paul : « Efforcez – vous de conserver l’union des esprits dans les liens de la paix[2] ». Et comme telle est la loi du Christ, le même Apôtre va te recommander cette loi elle-même ; écoute-le bien : « Portez les fardeaux les uns des autres, et ainsi accomplirez vous la loi du Christ[3] ».


13. « Mais celui qui hait son frère, est dans les ténèbres ; il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va ». Importante réflexion, mes frères : remarquez-la bien, je vous en prie. « Celui qui hait son frère, marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres l’ont aveuglé ». Y a-t-il desgens aussi aveugles que ceux qui détestent leurs frères ? La preuve de leur cécité, c’est qu’ils se sont buttés contre la montagne. Je vous répète les mêmes choses, pour que vous n’en perdiez pas le souvenir. Est-ce que cette pierre, qui s’est détachée de la montagne sans le secours de mains d’homme, est-ce que le Christ n’est point sorti du peuple juif sans la coopération d’un père charnel ? Cette pierre n’a-t-elle pas écrasé tous les royaumes du monde, c’est-à-dire toute la puissance des idoles et des démons ? N’est-elle pas devenue grande ? N’est-elle pas devenue une immense montagne qui a rempli toute la terre[4] ? Montrons-nous du doigt cette montagne, comme on essaierait de montrer à des hommes la pleine lune ? Par exemple, quand des hommes veulent voir la nouvelle lune, ils disent : Voilà la lune, voilà où elle se trouve. Et s’il en est là qui ne puissent apercevoir son faible croissant, et qui disent : Où donc ? On dirige le doigt du côté où elle se montre pour la leur faire voir : il arrive, parfois, qu’ils n’aperçoivent rien, mais dans la crainte de passer pour des aveugles, ils affirment qu’ils l’ont vue distinctement. Mes fières, montrons-nous l’Eglise de la même façon ? Ne s’étale-t-elle pas au grand jour ? N’apparaît-elle pas à tous les yeux ? N’a-t-elle pas réuni, dans son giron, toutes les nations de l’univers ? Ne voyons-nous point en elle l’accomplissement de la promesse faite à Abraham tant d’années auparavant, à savoir que tous les peuples seraient bénis en. celui qui sortirait de lui[5] ? Cette promesse n’a été faite qu’à un seul fidèle : et le monde s’est rempli de milliers de fidèles. Voilà cette montagne qui occupe toute la surface de l’univers, voilà cette ville dont il a été dit : « Une ville, placée sur une montagne, ne peut être cachée[6] ». Pour les Donatistes, ils se buttent contre la montagne. Quand on leur dit : Montez, ils répondent Il n’y a pas de montagne ; ils aiment mieux se heurter contre la montagne, que chercher une place dans l’Eglise. Hier, on vous a lu Isaïe ; ceux d’entre vous qui tenaient ouverts non-seulement leurs yeux, mais aussi leurs oreilles, les oreilles de leur esprit surtout, ont remarqué ce passage : « Dans les derniers jours, la montagne où habite le. Seigneur sera élevée au-dessus des collines, sur le sommet des montagnes ». Est-il rien d’aussivisible

  1. Ps. 118, 165
  2. Eph. 4, 2-3
  3. Gal. 6, 2
  4. Dan. 2, 34-35
  5. Gen. 22, 18
  6. Mt. 5, 14