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en action ce qu’il enseigne en paroles, il peut faire partie de cette Église représentée par les poissons de la première pêche, et composée de bons et de méchants ; car elle porte aussi le nom de royaume des cieux. Jésus ne dit-il pas, en effet : « Le royaume des cieux est semblable à un filet jeté dans la mer, et qui renferme toutes sortes de poissons[1] ? » Par ces paroles, il veut nous faire entendre qu’il est question des bons et des méchants ; il dit encore qu’on les séparera les uns des autres sur le rivage, c’est-à-dire à la fin des temps. Il veut ensuite montrer que ces plus petits, qui enseignent le bien par leurs paroles et en violent les règles dans leur conduite, sont les réprouvés, qu’ils ne seront pas dans la vie éternelle, même au dernier rang, et qu’ils n’y entreront jamais. Aussi, après avoir dit : « Celui-là sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux », le Sauveur ajoute immédiatement : « Car je vous le dis. si votre justice n’est plus parfaite que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux[2] ». Voilà bien, sans doute, les Scribes et Les Pharisiens qui sont assis sur la chaire de Moïse, et dont il a dit : « Faites ce qu’ils disent ; mais ce qu’ils font, ne le faites pas ; car ils disent et ne font pas[3] ». Par leurs discours, ils enseignent ce qu’ils foulent aux pieds par leurs mœurs. Conséquemment, le plus petit dans le royaume des cieux qui représente l’Église du temps, n’entrera pas dans le royaume des cieux qui est l’Église de l’éternité ; car s’il enseigne ce qu’il viole, il n’appartiendra pas à la société de ceux qui font ce qu’ils enseignent : il ne sera donc point du nombre des gros poissons, parce que « celui qui fera et enseignera sera appelé grand dans le royaume des cieux ». Et parce que celui-ci sera grand, il ne se trouvera pas à la même place que le plus petit ; en effet, les élus seront bien grands dans le royaume des cieux, car le plus petit y sera plus grand que celui qu’on ne peut surpasser ici-bas[4]. Ceux qui sont grands sur la terre, c’est-à-dire ceux qui font le bien et l’enseignent ensuite dans le royaume des cieux figuré par le filet rempli de bons et de mauvais poissons, seront les plus grands dans le royaume éternel des cieux, parce que les poissons recueillis à droite figurent ceux qui doivent ressusciter pour la vie. Il nous reste à vous entretenir, avec le secours de Dieu, du repas que Jésus fit avec les sept disciples, des paroles qu’il leur adressa ensuite, et, finalement, de ce qui termine l’Évangile de Jean ; mais le cadre trop étroit de ce discours ne me permet pas de le faire aujourd’hui.

CENT VINGT-TROISIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS : « VENEZ, MANGEZ », JUSQU’À CES AUTRES : « OR, IL DIT CELA, MARQUANT PAR QUELLE MORT IL DEVAIT GLORIFIER DIEU ». (Chap. 21,12-19.)

LE GRAND DEVOIR DES PASTEURS.

Après la pêche miraculeuse, Jésus se mit à table avec les sept disciples : d’abord, on servit du poisson rôti et du pain, emblèmes de l’aliment céleste qui fait notre nourriture à la sainte Table. Ensuite, Jésus demanda par trois fois à Pierre, s’il l’aimait, et sur la réponse affirmative de celui-ci, il lui confia ses brebis et ses agneaux. La triple protestation d’amour de Pierre, était une réparation de son triple reniement : c’était aussi, pour tous les pasteurs, une leçon ; car, pour paître réellement le troupeau du Christ qui leur est confié, ils doivent aimer Dieu plus qu’eux-mêmes, et l’aimer, s’il le faut, jusqu’à mourir pour lui.

1. Le bienheureux apôtre Jean termine son Évangile en faisant le récit de la troisième apparition du Christ à ses disciples après sa résurrection : nous avons donné, de notre mieux, l’explication de la première partie de ce récit, jusqu’à l’endroit où il est dit que les

  1. Mat. 12, 47
  2. Id. 5, 17-20
  3. Id. 23, 2-3
  4. Mat. 11, 11