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livré : c’était ce que le Sauveur avait prédit. Aussi, quand Pilate, qui était juge romain, voulut le rendre aux Juifs, afin qu’ils le jugeassent selon leur loi, ils refusèrent de l’accepter, en disant : « Il ne nous est permis de tuer personne ». Et ainsi fut accomplie la parole que Jésus avait dite d’avance sur sa mort, à savoir que les Juifs livreraient Jésus aux Gentils et que ceux-ci le mettraient à mort. En cela, ils devaient être moins coupables que les Juifs, car, en agissant comme ils l’ont fait, les Juifs ont voulu paraître étrangers à sa mort, et ils n’ont réussi qu’à fournir la preuve, sinon de leur innocence, du moins de leur folie.

CENT QUINZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES MOTS : « PILATE ENTRA DONC DE NOUVEAU DANS LE PRÉTOIRE », JUSQU’A CES AUTRES : « OR, BARABBAS ÉTAIT UN VOLEUR ». (Chap. 18,33-40.)

BARABBAS PRÉFÉRÉ À JÉSUS.

Pilate dit à Jésus : « Es-tu roi ? » – « Oui », répond le Sauveur, « mais mon royaume n’est pas de ce monde ». Le gouverneur propose donc au périple d’acquitter le Christ : mais le peuple demande Barabbas.


1. Ce que Pilate dit à Jésus-Christ, et ce que Jésus-Christ répondit à Pilate, voilà ce que nous examinerons et traiterons dans ce discours. Après qu’il eut dit aux Juifs : « Prenez-le et jugez-le selon votre loi », les Juifs lui répondirent : « Il ne nous est permis de faire mourir personne. Pilate entra alors de nouveau dans le prétoire, et il appela Jésus et lui dit : Es-tu le roi des Juifs ? Et Jésus lui répondit : Dis-tu cela de toi-même, ou bien les autres te l’ont-ils dit de moi ? » Certes, Notre-Seigneur savait et ce qu’il demandait lui-même, et ce que Pilate allait lui répondre. Et cependant il a voulu que cela fût dit, non pour le savoir lui-même, mais pour qu’on écrivît ce qu’il voulait nous apprendre. « Pilate répondit : Est-ce que je suis Juif ? Ta nation et les Pontifes t’ont livré à moi ; qu’as-tu fait ? Jésus répondit : Mon royaume n’est point de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes ministres combattraient pour que je ne fusse pas livré aux Juifs. Mais maintenant mon royaume n’est point d’ici ». Voilà ce que le bon Maître voulait nous faire savoir. Mais auparavant il fallait nous démontrer combien était vaine l’opinion qu’avaient de son royaume et les Gentils, et les Juifs qui avaient appris à Pilate ce qu’il disait. Fallait-il le punir de mort, parce qu’il prétendait à une royauté à laquelle il n’avait pas droit, ou bien comme si les rois avaient coutume d’en vouloir aux autres rois, et que sa royauté dût être funeste aux Romains ou aux Juifs ? Ce que dit Notre-Seigneur« Mon royaume n’est pas de ce monde », etc., il aurait pu le répondre à cette première question du Gouverneur : « Es-tu le roi des Juifs ? » Mais, en l’interrogeant à son tour et en lui demandant s’il disait cela de lui-même, ou bien s’il l’avait appris des autres, il a voulu, par sa propre réponse, montrer que les Juifs lui en avaient fait un reproche comme d’un crime auprès du gouverneur. Il découvrait ainsi « la vanité des pensées des hommes [1] », qu’il connaissait d’avance. Et après la réponse de Pilate, il répondait bien plus convenablement et avec plus d’opportunité et aux Juifs et aux Gentils : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». S’il avait répondu sur-le-champ à la première question de Pilate, il n’aurait semblé répondre qu’aux seuls Gentils, qui pensaient ainsi de lui, et non pas aux Juifs. Mais maintenant, en répondant. « Est-ce que je suis juif ? ta nation et les pontifes t’ont livré à moi », Pilate empêche de soupçonner et de

  1. Ps. 93, 11