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qu’aussitôt après avoir fini de parler, Notre-Seigneur entra dans le jardin. Mais ces paroles : « Jésus ayant dit ces choses », doivent seulement nous faire comprendre qu’il n’entra pas dans le jardin avant d’avoir fini son discours.
2. « Or, Judas qui le trahissait connaissait ce lieu ». L’ordre des mots est celui-ci : « Il connaissait ce lieu, lui qui le trahissait, parce que », ajoute l’Évangéliste, « Jésus y était venu souvent avec ses disciples ». C’est donc là que ce loup, couvert d’une peau de brebis et supporté au milieu des brebis par un dessein profond du Père de famille, savait pouvoir disperser pour un peu de temps le troupeau, en dressant des embûches au Pasteur. « Judas, ayant accepté une cohorte et des serviteurs envoyés par les princes et les Pharisiens, vint en ce lieu avec des lanternes, et des torches, et des armes ». La cohorte était composée, non de juifs, mais de soldats. Elle était envoyée par le gouverneur, comme pour s’emparer d’un coupable ; par là, ils respectaient l’ordre des pouvoirs légitimes afin que personne n’osât leur résister, quand ils le tiendraient. D’ailleurs, ils avaient rassemblé une si grande troupe et l’avaient armée de telle sorte, qu’elle devait suffire à effrayer ou à disperser ceux qui auraient osé défendre Jésus-Christ. Sa puissance était tellement cachée, et sa faiblesse était si visible, que toutes ces précautions parurent aux yeux de ses ennemis nécessaires à employer contre lui ; car ils ignoraient qu’ils ne pouvaient lui faire que ce qu’il voulait lui-même. Car il était bon, et il faisait un bon usage du mal, et il tirait le bien du mal pour rendre bons les méchants et séparer les bons d’avec les autres.
3. « Or », continue l’Évangéliste, « Jésus, sachant tout ce qui devait lui arriver, s’avança et leur dit. Qui cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur dit : C’est moi, et Judas qui le trahissait était debout au milieu d’eux. Aussitôt donc que Jésus leur eut dit : C’est moi, ils s’en allèrent à la renverse et tombèrent par terre ». Où est donc maintenant la cohorte de soldats ? où sont les serviteurs des prêtres et des Pharisiens ? où est cette terreur et ce grand déploiement d’armes ? Une seule parole : « C’est moi », a suffi, sans le secours d’aucune arme, pour frapper, repousser et renverser une foule si nombreuse, transportée de haine et rendue redoutable par ses armes. Le Dieu se dérobait sous le voile de l’humanité, et le jour éternel se trouvait tellement éclipsé sous les membres humains, que les ténèbres le cherchaient avec des lanternes et des torches pour le tuer. Il dit : « C’est moi », et il renverse ces impies. Que fera-t-il quand il viendra pour juger, puisqu’il fait de telles choses au moment où il va être jugé ? Quelle sera sa puissance quand il régnera, s’il peut ainsi agir quand il va tomber sous les coups de la mort ? Et maintenant, par le moyen de l’Évangile, Jésus-Christ dit partout : « C’est « moi a, et les Juifs attendent l’antéchrist, pour retourner en arrière et tomber à terre ; car ils abandonnent les choses célestes et n’aiment que les choses terrestres. Certes, les persécuteurs sont venus avec Celui qui le trahissait, pour saisir Jésus ; ils ont trouvé Celui qu’ils cherchaient, ils ont entendu : « C’est moi ». Pourquoi ne l’ont-ils pas saisi ? Pourquoi, au contraire, se sont-ils en allés à la renverse et sont-ils tombés ? parce qu’ainsi l’a voulu Celui qui peut tout ce qu’il veut. Mais s’il ne leur permettait jamais de le saisir, ils ne lui feraient pas ce pour quoi ils sont venus, et il ne ferait pas lui-même ce pour quoi il est descendu sur la terre. Dans leur fureur, ils le cherchaient pour le mettre à mort ; mais il nous cherchait lui-même en mourant. C’est pourquoi il leur a montré son pouvoir et l’impuissance où ils étaient de le saisir, bien qu’ils le voulussent ; qu’ils le prennent maintenant, afin qu’il le fasse servir, à leur insu, à l’accomplissement de sa volonté.
4. « Il leur demanda donc de nouveau : Qui cherchez-vous ? ils lui dirent : Jésus de Nazareth. Jésus leur répondit : Je vous ai dit que c’est moi. Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci. C’était afin que fût accomplie la parole qu’il avait dite : Ceux que vous m’avez donnés, je n’en ai perdu aucun. Si c’est moi que vous cherchez », dit Notre-Seigneur, « laissez aller ceux-ci ». Il parle à des ennemis, et cependant ils font ce qu’il ordonne, ils laissent aller ceux qu’il ne veut pas voir périr. Mais ne devaient-ils pas mourir dans la suite ? Pourquoi donc, s’ils mouraient maintenant, les perdrait-il ? parce qu’ils ne croyaient pas encore en lui de la manière dont croient tous ceux qui ne périssent pas.