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3. À entendre quelques-uns, le Père a glorifié le Fils, en ce que, au lieu de l’épargner, il l’a livré pour nous [1]. Mais si le Christ a été glorifié par sa passion, combien plus ne l’a-t-il pas été par sa résurrection ? Dans sa passion, en effet, son humilité se manifeste bien plus que sa gloire ; l’Apôtre lui-même s’en porte garant dans ce passage : « Il s’est humilié lui-même, en se rendant obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix ». Ensuite il continue et, au sujet de sa glorification, il dit : « C’est pourquoi aussi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père ». Voilà la glorification de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; elle a pris naissance dans sa résurrection. Dans le discours de l’Apôtre, il est question de son humilité depuis cet endroit : « Il s’est anéanti lui-même, acceptant la forme d’esclave », jusqu’à ces mots : « A la mort de la croix », et de sa gloire depuis ce passage : « C’est pourquoi aussi Dieu l’a exalté », jusqu’à ces mots : « Il est dans la gloire de Dieu le Père [2] ». Car, à examiner les exemplaires en langue grecque d’après lesquels on a fait la traduction latine, dans les Épîtres des Apôtres, à la place du mot latin Gloria, gloire, on lit en grec doxa: c’est la racine du verbe grec doxason, que l’interprète latin a traduit par le mot clarifica; il aurait pu le traduire par celui de glorifica, qui signifie la même chose. Aussi, dans l’Épître de l’Apôtre où se trouve le mot gloria, gloire, on aurait pu mettre claritas, manifestation ; car alors la signification serait la même. Mais on n’a pas voulu s’écarter de la consonance des mots ; comme du mot claritas vient le mot clarificatio, du mot gloria vient le mot glorificatio. Pour être honoré ou glorifié, le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ Homme, s’est d’abord anéanti dans sa passion ; car il ne serait pas ressuscité d’entre les morts, s’il n’était pas mort ; ses abaissements lui ont mérité la gloire, et la gloire a été pour lui la récompense de ses abaissements ; mais tout cela s’est fait dans sa forme de serviteur, car dans sa forme de Dieu, il a toujours été, il sera toujours la gloire. Bien plus, il n’a jamais été comme s’il ne l’était plus, et jamais il ne sera comme s’il ne l’était pas encore, mais sans commencement et sans fin il est toujours la gloire. Aussi, quand il dit : « Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils », il faut entendre ses paroles comme s’il disait : Voici l’heure de semer l’abaissement, ne différez pas d’amener le fruit de la gloire. Mais que veut dire ce qui suit : « Afin que votre Fils vous glorifie à son tour ? » Dieu le Père a-t-il, lui aussi, supporté l’abaissement de l’incarnation et de la passion, et devait-il être, en conséquence de cela, glorifié ? Comment donc le Fils pouvait-il le glorifier, puisque sa gloire éternelle n’aurait pu ni paraître plus petite sous la forme humaine, ni être plus grande dans sa forme divine ? Mais je ne veux point traiter cette question dans ce discours, car je craindrais, ou de l’allonger trop, ou d’écourter la réponse.

  1. Rom. 8, 32
  2. Phil. 2, 7-11