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et même, dit le Seigneur, disputant avec moi, entrant en jugement avec moi[1], au lieu de chercher à satisfaire à Dieu pour tes fautes, et de pousser vers lui ces cris d’un autre psaume : « Si vous vous souvenez des iniquités, Seigneur, qui pourra subsister devant vous, ô mon Dieu[2] ? » Et ces autres cris d’un autre psaume encore : « Je l’ai dit, ô mon Dieu, ayez pitié de moi, guérissez mon âme, parce que j’ai péché contre vous[3] ». Parce que tu rejettes ces prières, prétendant te justifier contre la parole du Seigneur lui-même, voilà que retombe sur toi cette parole de l’Écriture : « Le Seigneur brise le cou des pécheurs[4] ».
10. « Qu’ils soient confondus et rejetés en arrière, tous ceux qui détestent Sion ». Haïr Sion, c’est haïr l’Église ; car Sion c’est l’Église ; et c’est haïr l’Église que d’y entrer avec dissimulation. C’est haïr l’Église encore que ne point pratiquer la parole de Dieu. « Les pécheurs ont pesé sur mon dos »[5]. Que fera l’Église, sinon de les tolérer jusqu’à la fin ?
11. Mais que dit le Prophète ? « Qu’ils soient », dit-il, « comme l’herbe des toits, qui se dessèche avant qu’on l’arrache ». Cette herbe des toits est une herbe qui croit sur les toits, sur les plates-formes. Elle s’élève bien haut, mais n’a point de racines. Quel avantage n’aurait-elle point de naître en des lieux plus bas, et de demeurer verte plus longtemps ? Mais ce n’est que pour sécher bientôt qu’elle vient sur les hauteurs. On ne l’arrache point encore et la voilà desséchée : et nos impies, avant d’être frappés au jugement de Dieu, n’ont déjà plus de sève. Examinez leurs œuvres, et voyez qu’ils sont vraiment desséchés. Ils vivent néanmoins, ils sont ici-bas, ils ne sont point arrachés, et avant d’être arrachés les voilà desséchés. Ils sont devenus « comme l’herbe des toits qui se fane même avant qu’on l’arrache ».
12. Les moissonneurs viendront, mais n’en recueilleront pas les gerbes. Ils viendront en effet, ils ramasseront le froment pour les greniers célestes, et lieront l’ivraie en gerbes qu’ils jetteront au feu. Ainsi est traitée l’herbe des toits, on jette au feu ce qu’on en arrache, parce qu’elle est desséchée même sur pied. Le moissonneur n’en remplit pas sa main, comme le dit le psaume : « Elle ne remplit pas la main du moissonneur, ni le sein de celui qui récolte les gerbes[6]. Or, ces moissonneurs ce sont les anges[7] », dit le Seigneur.
13. « Et les passants n’ont point dit : Que le Seigneur vous bénisse ; nous vous bénissons au nom du Seigneur[8] ». Vous le savez, mes frères, lorsqu’on passe devant les travailleurs, c’est la coutume de leur dire : « Que Dieu vous bénisse ! » Et cette coutume se pratiquait avec plus de soin encore parmi les Juifs. Nul ne passait auprès d’un travailleur dans les champs, dans la vigne, à la moisson, ou quelque part, sans appeler la bénédiction de Dieu sur lui. Autre est celui qui récolte ses gerbes, et autre celui qui passe par la voie. Ceux qui récoltent les gerbes ne remplissent pas leurs mains de cette herbe des toits, que l’on ne récolte pas pour le grenier céleste. Qui donc recueille des gerbes ? Le moissonneur. Quels sont les moissonneurs ? Le Seigneur l’a dit : « Ces moissonneurs ce sont les anges ». Quels sont les passants ? Ceux qui ont déjà passé par cette voie, c’est-à-dire, ceux qui par une vie sainte ont passé de ce monde à la céleste patrie. C’est par cette même voie qu’ont passé les Apôtres, qu’ont passé les Prophètes. Quels travailleurs les Apôtres et les Prophètes ont-ils bénis ? Ceux en qui ils voyaient la racine de la charité. Quant à ceux qu’ils ont trouvés sur leurs toits, relevant leur cou gonflé d’orgueil, comme un bouclier, ils leur ont prédit ce qu’ils deviendraient, mais sans les bénir. Ainsi donc tous ces méchants que supporte l’Église, vous qui lisez les saintes Écritures, vous les voyez maudits, mis à part comme l’héritage de l’Antéchrist, ou dit diable, ils sont la paille, ils sont l’ivraie. Ils sont désignés par des comparaisons sans nombre. « Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n’entreront point pour cela dans le royaume des cieux[9] ». Tu ne trouveras aucun endroit de l’Écriture pour en parler favorablement, parce que ceux qui passaient sur la voie ne les ont point bénis, David que nous avons en nos mains, a passé de même sur la voie ; et vous avez entendu ses paroles : « Le Seigneur dans sa justice brisera le cou des pécheurs. Qu’ils soient confondus, refoulés en arrière, ceux qui haïssent Sion. Qu’ils soient comme l’herbe des toits, qui se fane avant qu’on l’arrache. Elle n’emplit pas la

  1. Jer. 2,29
  2. Ps. 129,3
  3. Ps. 12,5
  4. Id. 128,5
  5. Id. 6
  6. Ps. 128,7
  7. Mt. 13,39
  8. Ps. 128,8
  9. Mt. 7,21