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des sacrements ; mais ils ne pénètrent pas jusqu’à l’intérieur et à l’esprit. Jésus frappe donc pour tirer les saints qui reposent en leurs loisirs, et il s’écrie : « Ouvre-moi », toi qui es devenue « ma sœur » par mon sang, « ma proche parente » par mon approche, « ma colombe » par la plénitude de mon esprit, « ma parfaite » par ma parole que tu as apprise en entier dans ton repos, ouvre-moi donc, prêche-moi. Comment entrerai-je vers ceux qui m’ont fermé leur porte, si personne ne m’ouvre ? et comment entendront-ils, si personne ne prêche[1] ?
5. De là vient que ceux mêmes qui aiment le repos des saintes études, et refusent de s’exposer aux contre-temps de la vie active, parce qu’ils se sentent peu propres à s’acquitter sans reproche des devoirs qu’elle impose ; de là vient que ceux-là voudraient voir, si c’était possible, les saints Apôtres et les premiers prédicateurs de la vérité revenir de l’autre monde, pour s’opposer au torrent d’iniquité qui éteint l’ardeur de la charité ; mais dans la personne de ceux qui sont sortis de cette vie et se sont dépouillés du vêtement de leur corps, l’Église (car ils ne sont pas sortis de son sein), l’Église répond : « J’ai quitté ma tunique, comment la revêtir de nouveau ? » Oui, ils la reprendront cette tunique, et dans ceux qui en sont dépouillés l’Église sera de nouveau revêtue de chair ; mais ce ne sera pas dans cette vie où il faudrait réchauffer ceux qui sont froids : ce sera seulement quand les morts ressusciteront. Souffrante et gênée par suite du manque de prédicateurs, l’Église se rappelle ceux de ses membres qui étaient si purs dans leur doctrine, si saints dans leurs mœurs, mais qui maintenant sont sortis de ce inonde ; elle gémit et dit : « J’ai quitté ma tunique, comment m’en revêtir de nouveau ? » Ceux de mes membres qui savaient si bien ouvrir à Jésus-Christ, en prêchant l’Évangile, comment pourraient-ils maintenant reprendre les corps dont ils ont été dépouillés ?
6. Elle tourne ensuite ses regards vers ceux qui, tant bien que mal, peuvent prêcher, convertir et gouverner les peuples, et ainsi ouvrir à Jésus-Christ, mais qui craignent de pécher dans un ministère si difficile ; et elle leur dit : « J’ai lavé mes pieds, comment les salir encore ? » Celui, en effet, qui ne pèche point en parole, est un homme parfait. Où est l’homme parfait ? Où est celui qui ne pèche point au milieu d’un pareil torrent d’iniquité, dans un refroidissement si général de la charité ? « J’ai lavé mes pieds, comment les salir encore ? » Je lis et je vois : « Mes frères, ne faites pas comme plusieurs, ne cherchez pas à devenir maîtres, parce que vous vous exposez à un jugement plus sévère ; tous, en effet, nous faisons beaucoup de fautes [2] ». J’ai lavé mes pieds, comment les salir encore ? » Mais je me lève et j’ouvre. Jésus, lavez-les ; « pardonnez-nous nos offenses », parce que notre charité n’est pas éteinte ; car « nous aussi nous « pardonnons à ceux qui nous ont offensés[3]. Quand nous vous Écoutons, nos os humiliés tressaillent de joie avec vous jusqu’au ciel[4] ; mais quand nous vous prêchons, nous foulons la terre, pour aller vous ouvrir ; c’est pourquoi si l’on nous blâme nous tombons dans le trouble ; les louanges nous enflent d’orgueil. Lavez donc nos pieds qui, auparavant, étaient purs, mais qui se sont salis quand nous avons marché sur la terre pour aller vous ouvrir. Que ces paroles vous suffisent pour aujourd’hui, mes bien chers frères. Si nous avons péché en ne disant pas les choses comme il fallait les dire ; ou bien, si nous avons pris plaisir plus qu’il ne fallait à vos louanges, obtenez-nous de Dieu par vos prières qui lui sont si agréables, qu’il daigne laver les pieds de notre âme.

  1. Rom. 10, 14
  2. Jac. 3, 1-2
  3. Mt. 6, 12
  4. Ps. 50, 10