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Pour Notre-Seigneur, il a vu en son Père ce qu’il dirait ; qu’y a-t-il vu, sinon lui-même ? sinon le Verbe du Père ? sinon la vérité éternelle du Père et coéternelle air Père ? « Il était » donc « homicide dès le commencement, et il n’a point persévéré dans la vérité, car la vérité n’est pas en lui ; quand il profère le mensonge, il dit ce qui lui est propre, car il est menteur ». Non-seulement il est menteur, mais « il est son père », c’est-à-dire, le père du mensonge qu’il profère, parce qu’il a engendré lui-même son mensonge. « Or, moi, si je dis la vérité, vous ne me croyez point. Quel est celui d’entre vous qui me convaincra de péché, comme je vous convaincs vous-mêmes, vous et votre père ? Et si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas », sinon parce que vous êtes les enfants du démon ?


15. « Celui qui est de Dieu entend les paroles de Dieu. Vous ne les entendez point, parce que vous n’êtes pas de Dieu ». Encore une fois, il est question, non de la nature en elle-même, mais de la nature viciée. Ainsi, les Juifs sont de Dieu et n’en sont pas ; par leur nature, ils en viennent ; ils n’en viennent point par leurs vices. Je vous en supplie, faites-y attention ; vous trouvez, dans l’Evangile, tout ce qu’il faut pour vous garantir contre les criminelles et dangereuses erreurs des hérétiques. Au sujet des paroles précitées, voici ce que disent d’ordinaire les Manichéens : Nous trouvons là la preuve de l’existence de deux natures, l’une bonne, l’autre mauvaise ; le Sauveur le dit. Que dit-il ? « Vous ne les entendez point, parce que vous n’êtes pas de Dieu ». Telles sont les paroles du Christ. Que répondez-vous, me dit le manichéen ? – Voici ma réponse, écoute-la. Et ils sont de Dieu, et ils n’en sont pas. Par leur nature, ils en viennent ; ils y sont étrangers par leur faute ; la nature bonne, qui vient de Dieu, a péché volontairement ; elle a cru à ce que le démon voulait lui persuader, elle a été viciée ; si elle a besoin d’un médecin, c’est qu’elle n’est lias saine, voilà ce que je dis. Il est impossible à tes yeux que les Juifs soient et rie soient pas de Dieu, en même temps ; ce n’est pas du tout impossible. Ils sont de Dieu et, n’en sont pas, comme ils sont enfants d’Abraham et ne sont pas ses enfants. La preuve en est là ; inutile à vous de parler. Ecoute le Sauveur lui-même ; il, leur a dit : « Je sais que vous êtes enfants d’Abraham ». Le Christ pouvait-il mentir ? Non. Ce qu’il a dit est donc la vérité ? Oui. Il est donc vrai qu’ils étaient enfants d’Abraham ? Oui. Ecoute maintenant ; il va te dire le contraire. Celui qui a dit : « Vous êtes les enfants d’Abraham », leur a lui-même refusé ce titre : « Si vous êtes les enfants d’Abraham, pratiquez donc les œuvres d’Abraham. Or, maintenant, vous cherchez à me faire mourir, moi, qui suis un homme qui vous dis la vérité que j’ai entendue de Dieu ; Abraham n’a pas agi ainsi. Vous accomplissez les œuvres de votre père », c’est-à-dire, du démon. Comment donc étaient-ils enfants d’Abraham et ne l’étaient-ils pas ? Le Sauveur a donné la preuve de ces deux assertions : ils étaient les enfants d’Abraham, puisqu’ils descendaient charnellement de lui ; ils n’étaient pas ses enfants, parce que le démon les avait corrompus par sa diabolique influence. Vous devez appliquer au Seigneur notre Dieu cette manière de comprendre l’Ecriture ; les Juifs étaient de lui, et, en même temps, ils n’en étaient pas. Comment étaient-ils de lui Parce qu’il avait créé l’homme de qui ils descendaient. Comment encore ? Parce qu’il est l’auteur de leur être, de leur corps et de leur âme. Comment donc pouvait-on dire qu’ils n’étaient pas de lui ? Parce qu’ils étaient devenus vicieux de leur propre faute ; ils n’étaient pas de lui, parce qu’en imitant le démon, ils en étaient devenus les enfants.


16. Le Seigneur Dieu s’est donc approché de l’homme pécheur. Tu as entendu nommer distinctement et séparément l’homme et le pécheur. Comme tel, l’homme est de Dieu ; comme pécheur, il n’en vient pas. Il faut donc distinguer la nature de ce qui l’a viciée ; par rapport à la nature, nous devons toutes louanges au Créateur ; relativement à ce qui l’a corrompue, il faut nécessairement demander l’aide du médecin. Par ces paroles « Celui qui est de Dieu, écoute ce qu’il dit, et vous n’écoutez pas ce qu’il dit, parce que vous n’êtes pas de lui », le Sauveur n’a pas voulu faire une distinction entre la nature des uns et des autres ; en dehors de son âme et de son corps à lui, il n’a pas rencontré, dans les hommes, une nature que le péché n’aurait pas viciée ; mais il connaissait d’avance ceux qui devaient croire en lui ; c’est pourquoi il a dit qu’ils étaient de Dieu, parce