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3. « Quand le Seigneur a délivré Sion de la captivité, nous avons été comme consolés[1] ». Nous avons été dans la joie, a voulu dire le Prophète. Quand nous est venue cette joie ? Quand le Seigneur rappelait Sion de sa captivité. Quelle Sion ? La céleste Jérusalem, l’éternelle Sion. Comment Sion est-elle éternelle, et comment Sion est-elle captive ? Elle est éternelle du côté des anges, et captive du côté des hommes. Car tous les citoyens de cette cité ne sont point captifs ; mais ceux-là sont captifs qui ers sont bannis. L’homme fut citoyen de Jérusalem, mais une fois vendu au péché, il en fut banni. De lui sont venus tous les hommes, et la captivité de Sion a rempli toute la terre. Mais cette captivité de Sion, comment peut-elle être figurée par Jérusalem ? Comment peut-elle être figurée dans cette Sion que Dieu donna aux Juifs, qui demeura captive à Babylone, et dont le peuple, après soixante et dix années, retourna dans son pays[2] ? Septante années marquent le temps qui s’écoule de sept jours. Or, quand le temps sera complètement écoulé, nous retournerons dans notre patrie, comme le peuple juif, après soixante et dix ans, revint de la captivité de Babylone. Car Babylone est ce bas monde, puisque Babylone signifie confusion. Voyez si toute la vie de l’homme n’est point une confusion. L’homme ne rougit-il pas de ce qu’il a fait dans une si vaine espérance, quand il reconnaît la vanité de ses œuvres ? Pourquoi sou travail, et pour qui ? Pour mes enfants, répond-il. Et ces enfants ? Pour nos enfants, diront-ils encore. Et ces derniers ? Encore pour nos enfants. Nul donc ne travaille pour soi-même. C’est de cette confusion qu’étaient délivrés ceux à qui l’Apôtre écrivait : « Quelle gloire avez-vous retirée de ces œuvres qui maintenant vous font rougir[3] ? » Ainsi, toutes les affaires de la vie qui ne regardent point le Seigneur ne sont qu’une confusion. C’est dans cette confusion, dans cette Babylone que Sien est retenue captive. Mais « le Seigneur délivre Sion de sa captivité ».
4. « Et nous avons été comme ceux que l’on console » ; c’est-à-dire, nous avons tressailli de joie, comme ceux qui reçoivent une consolation. On ne console que les malheureux, on ne console que ceux qui gémissent et qui pleurent. Pourquoi sommes-nous « comme ceux que l’on console », sinon parce que nous gémissons encore ? Nous gémissons en réalité, nous sommes consolés en espérance : quand la réalité passera, le gémissement nous vaudra une joie éternelle, et alors nous n’aurons plus besoin de consolation, parce que nous ne souffrirons plus d’aucune misère. Pourquoi cette expression : « Comme ceux que l’on console », et n’est-il pas dit que nous sommes consolés ? Cette expression : sicut, ou comme, ne marque pas toujours une comparaison. Quelquefois elle désigne une qualité, et quelquefois une comparaison : ici, elle désigne une qualité. Mais nous devons donner des exemples tirés du langage ordinaire, afin de nous faire mieux comprendre. Quand nous disons comme a vécu le père, ainsi a vécu le fils, nous faisons une comparaison ; et dire l’homme meurt comme l’animal, c’est encore une comparaison. Mais dire : Il a agi comme un homme de bien, est-ce dire que cet homme n’est pas un homme de bien, qu’il n’en a que l’apparence ? Il a agi comme un homme juste ; ce « comme », loin de nier la justice de cet homme, l’affirme au contraire. Vous avez agi comme un magistrat ; donc je ne suis pas magistrat, pourrait-on répondre. Au contraire, c’est parce que vous êtes magistrat que vous avez agi en magistrat, parce que vous êtes juste que vous avez agi en homme juste, parce que vous êtes homme de bien que vous avez agi en homme de bien. Ceux-ci donc, parce qu’ils étaient véritablement consolés, s’abandonnent à la joie comme des hommes que l’on a consolés ; c’est-à-dire que leur joie était grande comme la joie de ceux que l’on console, Dieu qui est mort pour nous, versant des consolations dans ceux qui doivent mourir. Car la mort nous arrache à tous des gémissements ; mais celui qui est mort nous a consolés pour nous délivrer de la crainte de la mort. Il est ressuscité le premier afin de fonder notre espérance. Nous espérons donc parce qu’il est ressuscité le premier, et cette espérance nous console dans nos misères, de là notre allégresse. Et le Seigneur nous a délivrés de notre captivité, afin que nous reprenions le chemin du retour vers la patrie. Maintenant que nous sommes rachetés, ne craignons plus nos ennemis qui dressent des pièges sur notre chemin. Car le Christ nous a rachetés afin que l’ennemi n’ose plus nous tendre des embûches, si nous n’abandonnons pas la voie ; et

  1. Ps. 125,1
  2. Jer. 29,10 ; 1 Esdras, 1
  3. Rom. 5,21