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DISCOURS SUR LE PSAUME 125

SERMON AU PEUPLE.

DÉLIVRANCE DE LA CAPTIVITÉ.

Notre Dieu est venu sur la terre pour nous racheter au prix de son sang, parce que nous étions dans l’esclavage, nous et ceux même qui ont les prémices de l’esprit, ou la foi. Nous attendons par l’espérance la rédemption de notre chair, dont Jésus-Christ nous a donné le modèle par sa résurrection. Maïs jusque-là nous gémissons. Déjà la chair que le Sauveur a prise dans l’humanité, est sauvée : or, il nous dit qu’il est avec nous jusqu’à la fin des siècles. Mais nous sommes dans l’esclavage, parce que nous sommes rendus au péché, et le persécuteur nous a lui-même sauvés en répandant le sang du juste. Notre joie a été grande quand Dieu a délivré la Jérusalem du ciel. Elle est du ciel à cause des anges, et captive à cause de nous. Elle était figurée par cette Sion des Juifs, captive à Babylone, pendant 70 années. Ce nombre signifie le temps qui s’écoule par sept Jours ; et après les temps écoulés nous retournerons à la patrie. Babylone est la confusion ou le monde. Or, la délivrance nous a consolés, c’est-à-dire que Jésus nous a fait espérer à cause de sa résurrection. Alors notre bouche a été pleine de joie, c’est-à-dire la bouche de notre cœur dans laquelle s’élaborent toutes nos actions, ainsi que l’a dit le Sauveur. Ce n’est donc ni ce qui entre dans notre bouche, ni ce qui en sort qui souille l’homme, mais ce qui est résolu dans notre cœur Car Dieu y voit tout mal et tout bien. Le Seigneur a manifesté sa gloire en établissant l’Église, en nous délivrant des étreintes du péché, comme le vent tiède fait fondre les glaçons et amène les torrents. Semons dans les larmes, semons l’aumône, des biens, des services, des conseils, de la bonne volonté, nous récolterons au ciel. Le Samaritain de l’Évangile, c’est Jésus qui nous porte dans son Église, où se cicatrisent les blessures que le démon nous a faites sur le grand chemin du monde.


1. En suivant l’ordre, il nous faut expliquer, vous le savez, le psaume cent-vingt-cinquième, qui compte parmi les psaumes intitulés cantiques des degrés, et qui est, vous le savez aussi, le chant de ceux qui s’élèvent ; et où s’élèvent-ils, sinon à cette Jérusalem du ciel qui est notre mère à tous[1] ? Comme elle est du ciel, elle est éternelle. Quant à celle qui fut sur la terre, elle en était seulement l’image. Aussi est-elle tombée, tandis que l’autre subsiste. L’une a subsisté pendant qu’elle devait prophétiser l’avenir, l’autre possède l’éternité de notre réparation. Bannis pendant cette vie de cette cité bienheureuse, nous soupirons pour y retourner ; le labeur et la misère seront pour nous jusqu’à ce que nous y soyons rentrés. Toutefois, les anges, nos concitoyens, ne nous ont point abandonnés dans cet exil, mais ils nous ont annoncé que notre roi viendrait à nous. Et il est venu et a d’abord été méprisé par nous, puis avec nous. Il nous a enseigné à supporter ce qu’il a supporté, à souffrir comme il a souffert ; il nous a promis de ressusciter comme il est ressuscité, nous montrant en lui-même ce qu’il nous fallait espérer. Si donc, mes frères, avant l’avènement de Jésus-Christ en sa chair, avant sa mort, sa résurrection, son ascension au ciel, les Prophètes, qui sont nos aïeux, soupiraient après cette cité bienheureuse, quel doit être notre désir d’aller où il nous a précédés, et d’où il ne s’est jamais retiré ? Pour venir à nous, en effet, le Christ n’a point abandonné les anges. Il est demeuré toujours avec eux, et néanmoins est venu à nous ; il est demeuré avec eux dans sa majesté, il est venu à nous dans, sa chair. Mais, hélas ! où étions-nous ? S’il est appelé notre Rédempteur, nous étions captifs. Où donc étions-nous captifs, pour qu’il vînt nous racheter ? Où étions-nous retenus ? Chez les barbares ? Le diable, avec ses anges, sont pires que les barbares. C’est en leur pouvoir qu’était le genre humain ; c’est de leurs mains qu’il nous a rachetés, sans donner ni or, ni argent, mais son sang précieux.
2. Demandons à saint Paul comment l’homme était tombé dans cette captivité. Car il est un de ceux qui gémissent le plus dans cette captivité, qui soupirent après la Jérusalem éternelle, et il nous a enseigné à gémir par ce même esprit dont il était comblé quand il gémissait lui-même. « Toute créature gémit », nous dit-il, « jusqu’à présent, et souffre les douleurs de l’enfantement ». Et encore : « La créature est assujettie à la vanité, non « pas volontairement, mais à cause de celui

  1. Gal. 4,26