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évite le mal et fait le bien[1], parce qu’il ne porte aucune envie aux pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent[2] ; de même l’homme au cœur dépravé, que scandalisent les desseins de Dieu, s’éloigne du Seigneur, fait le mal et se laisse prendre aux charmes de cette vie, et, une fois pris, il en supporte les peines cuisantes. Dès qu’il s’éloigne du Seigneur, dont il ne veut point supporter la discipline, alors la fausse félicité des méchants devient pour eux un piège par un juste jugement de Dieu. C’est pourquoi le Prophète ajoute : « Pour ceux qui s’engagent dans des voies tortueuses, Dieu les unira aux hommes qui commettent l’iniquité[3] », c’est-à-dire à ceux dont ils imitent les actions ; parce qu’ils ont aimé comme eux les joies de cette vie, et n’ont point cru aux supplices éternels. Quel sera donc le partage des hommes au cœur droit qui ne se détournent point de Dieu ? Mais voyons quel sera cet héritage mes frères, puisque nous sommes les enfants. Que posséderons-nous ? Quel est notre héritage ? quelle est notre patrie ? quel est son nom ? La paix. C’est par la paix que nous vous saluons, c’est la paix que nous vous prêchons, la paix que reçoivent les montagnes, et les collines la justice[4]. Cette paix est le Christ. « Car il est notre paix, lui qui de deux peuples n’en a fait qu’un, en détruisant le mur de séparation[5] ». Parce que nous sommes les enfants, nous aurons l’héritage. Et commirent appeler cet héritage, sinon la paix ? Et voyez comme sont déshérités ceux qui n’aiment point la paix. Or, ceux-là n’aiment point la paix qui divisent l’unité. La paix est le partage des justes, le partage des héritiers. Et quels sont les héritiers ? Les enfants. Écoutez l’Évangile : « Bienheureux ceux qui aiment la paix, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu »[6]. Écoutez la conclusion du psaume : « Paix sur Israël ». Israël signifie qui voit Dieu, et Jérusalem vision de la paix. Oui, que votre charité le retienne bien, Israël signifie qui voit Dieu, et Jérusalem vision de la paix. « Quels hommes ne seront point ébranlés de l’éternité ? ceux qui habitent Jérusalem ». Ils ne seront point ébranlés à tout jamais, ceux qui habitent la vision de la paix, et cette « paix est sur Israël ». Donc, Israël qui voit Dieu, voit aussi la paix ; il est Israël et Jérusalem ; puisque le peuple de Dieu est en même temps la cité de Dieu. Si donc voir la paix, c’est voir Dieu, assurément c’est Dieu qui est la paix. C’est donc parce que le Christ Fils de Dieu est la paix, qu’il est venu pour nous rassembler et nous séparer des impies. De quels impies ? De ceux qui haïssent Jérusalem, qui haïssent la paix, qui veulent nous séparer de l’unité, qui ne croient pas à la paix, qui annoncent au peuple une fausse paix, qui n’ont point eux-mêmes la paix. Quand ils disent au peuple : Que la paix soit avec vous, et qu’il leur répond : Et avec votre esprit, ils disent une fausseté et n’entendent qu’une fausseté. À qui disent-ils : Que la paix soit avec vous ? À ceux qu’ils séparent de la paix du reste de la terre. Et à quels hommes dit-on : Et avec votre esprit ? À ceux qui saisissent toutes les occasions du schisme, qui haïssent la paix. Car si la paix était dans leur esprit, ne renonceraient-ils point aux divisions pour embrasser l’unité ? C’est donc une fausseté qu’ils disent, une fausseté qu’ils entendent. Pour nous, mes frères, disons vrai et entendons vrai. Soyons Israël, embrassons la paix ; puisque Jérusalem est la vision de la paix, et que nous sommes Israël, que la paix soit sur Israël.

  1. Ps. 36,27
  2. Id. 72,3
  3. Id. 124,5
  4. Id. 17,3
  5. Eph. 2,14
  6. Mt. 5,9