Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/576

Cette page n’a pas encore été corrigée

flotte incertain entre ces deux sentiments si divers. Oui, il est à craindre pour toi de trouver dans cette présomption un germe de mort, et de tomber entre les mains du souverain Juge, au moment même où tu attendras encore beaucoup de la miséricorde divine : tu dois concevoir des craintes non moins vives à l’égard du désespoir ; car, en t’imaginant qu’il est impossible d’obtenir le pardon des grandes fautes que tu as commises, tu pourrais bien ne pas faire pénitence et te condamner à avoir pour juge la Sagesse qui a dit : « Moi, je me rirai de votre ruine [1] ». Que fait le Seigneur à l’égard de ceux qui sont atteints de l’une ou de l’autre de ces dangereuses maladies ? À ceux dont la présomption compromet l’avenir, il adresse ces paroles : « Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère pas de jour en jour ; car sa colère viendra soudain, et, au jour de la vengeance, il te perdra [2] ». Il dit aussi aux malheureux que ronge le désespoir « Quel que soit le jour où l’impie se convertisse, j’oublierai toutes ses iniquités [3] ». Aux hommes désespérés, il montre le port du pardon ; pour ceux dont une aveugle confiance met le salut en péril, et qui se laissent tromper par d’interminables délais, il a rendu incertaine l’heure de la mort. Quand viendra ton dernier jour, lu n’en sais rien ; et tu es un ingrat, puisqu’ayant, pour te convertir, le jour présent, tu n’en profites pas. Aussi, quand le Sauveur dit à la femme adultère : Et « moi, je ne te condamnerai pas non plus », il donna à ses paroles cette signification Sois tranquille sur le passé, mais prends garde à l’avenir. « Moi, je ne te condamnerai pas non plus ». J’ai effacé tes fautes, observe mes recommandations, et tu entreras en possession de ce que je t’ai promis.

TRENTE-QUATRIÈME TRAITÉ.

SUR CE PASSAGE « JE SUIS LA LUMIÈRE DU MONDE CELUI QUI ME SUIT NE MARCHE PAS DANS LES TÉNÈBRES, MAIS IL AURA LA LUMIÈRE DE LA VIE ». (Chap. 8, 12.)

JÉSUS, LUMIÈRE DE VIE.

\v 12 Jésus est la lumière du monde, non pas une lumière matérielle, mais la lumière incréée qui est Dieu : il est aussi source de vie ; et comme, en Dieu, la lumière et la vie se trouvent réunies, nous en jouirons au ciel pendant l’éternité. Pour y parvenir, il nous faut ici-bas suivre Notre-Sauveur, imiter ses vertus, et quand nous aurons victorieusement lutté coutre les ennemis de notre salut, nous entrerons en possession de la lumière et de la vie éternelles, promises comme récompense à nos généreux efforts.


1. Nous venons d’entendre la lecture du saint Évangile ; nous l’avons écoutée avec attention, et, j’en suis sûr, nous nous sommes tous efforcés d’en saisir le sens. Les grandes et mystérieuses choses dont on nous y a entretenus, chacun de nous en a pris ce qu’il a pu, selon l’étendue de ses moyens ; le pain de la parole a été placé devant nous : personne, sans doute, ne se plaindra de n’y avoir pas goûté. Encore une fois, ce passage de l’Évangile offre des difficultés ; mais j’en suis sûr, il en est parmi nous pour l’avoir compris tout entier. Néanmoins, celui qui a suffisamment saisi toutes les paroles précitées du Sauveur, nous permettra de remplir notre ministère ; il nous permettra de les expliquer, autant que possible, avec le secours de la grâce divine, et, par là, de faire comprendre à tous ou à beaucoup, ce dont un petit nombre se trouve déjà heureux d’avoir l’intelligence.
2. Ces paroles du Sauveur : « Je suis la lumière du monde », nous semblent assez claires pour ceux qui ont des yeux à l’aide desquels on peut contempler cette lumière : ceux, au contraire, qui n’ont d’autres yeux que les yeux de leur corps, s’étonnent

  1. Prov. 1, 26
  2. Sir. 5, 8, 9
  3. Ez. 18, 21-23