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parce que ses parents étaient de la ville de Nazareth. Quand je dis ses parents, j’entends parler seulement de Marie, et ne veux point dire qu’il ait eu un père selon la chair ; il avait déjà, dans le ciel, un Père ; aussi n’a-t-il eu ici-bas besoin que d’une mère. Ses deux naissances ont été merveilleuses : sa naissance divine s’est effectuée sans le concours d’une mère ; comme homme, il n’a pas eu de père. Que répondirent donc à Nicodème tes docteurs de la loi ? « Lis les Écritures et vois que nul prophète ne s’est levé en Galilée ». Malgré cela, le Seigneur des Prophètes est sorti de ce pays-là. « Et chacun d’eux », dit l’Évangéliste, « s’en alla en sa maison ».
3. « De là, Jésus vint à la montagne ». C’était la montagne « des Oliviers », fertile en parfums et en huile. De fait, en quel endroit, sinon sur la montagne des Oliviers, le Christ pouvait-il se trouver mieux pour enseigner ? L’étymologie du mot Christ, c’est fonction, car le nom grec Xismase traduit en latin par celui d’onction. Il nous a oints, parce qu’il nous a destinés à lutter contre le démon. Au commencement du jour, « il parut de nouveau dans le temple, et tout le peuple vint vers lui ; et, s’étant assis, il les enseignait ». Et l’on ne mettait pas la main sur lui, parce qu’il ne jugeait pas encore à propos de souffrir.
4. Mais voyez quel moyen ses ennemis employèrent pour mettre à l’épreuve la douceur de Jésus. « Les Scribes et les Pharisiens lui amenèrent une femme prise en adultère, et, l’ayant placée au milieu d’eux tous, ils lui dirent : Maître, cette femme a été prise en adultère ; et, dans la loi, Moïse nous a commandé de lapider les adultères. Toi donc, que dis-tu ? Ils parlaient ainsi pour le tenter, afin de pouvoir l’accuser ». L’accuser de quoi ? L’avaient-ils surpris lui-même en quelque faute, ou bien, cette femme passait-elle pour avoir eu avec lui quelque rapport ? Que veut donc dire l’Évangéliste en s’exprimant ainsi : « Pour le tenter, afin de pouvoir l’accuser ? » Il nous est facile, mes frères, de comprendre à quel suréminent et admirable degré le Sauveur a montré de la douceur. Ses ennemis remarquèrent en lui une trop grande douceur, une trop grande bonté ; car, longtemps auparavant, le Prophète avait dit de lui : « Armez-vous de votre glaive, ô le plus puissant des rois ; revêtez-vous de votre gloire et de votre éclat ; et, dans votre majesté, marchez à la victoire montez sur le char de la vérité, de la clémence et de la justice [1] ». En qualité de docteur, il a apporté sur la terre la vérité ; comme libérateur, la douceur ; en tant que sondant les consciences, la justice. Voilà pourquoi Isaïe avait annoncé d’avance qu’il régnerait dans l’Esprit-Saint[2]. Quand il parlait, la vérité se reconnaissait dans ses discours, et s’il ne s’élevait pas contre ses ennemis, on ne pouvait qu’admirer sa mansuétude. En face de ces deux vertus de Jésus-Christ, de sa vérité et de sa douceur, ses ennemis se sentaient tourmentés par l’envie et la malignité jalouse ; mais sa troisième qualité, la justice, fut pour eux un véritable sujet de scandale. Pourquoi ? Parce que la loi faisait un commandement exprès de lapider les adultères, et, sans aucun doute, elle ne pouvait prescrire ce qui était injuste ; dire autre chose que ce qu’ordonnait la loi, c’était se mettre en flagrant délit d’injustice. Ils se dirent donc à eux-mêmes : On a foi en sa véracité, on le voit plein de mansuétude ; cherchons-lui querelle sous le rapport de la justice, Présentons-lui une femme surprise en adultère, et disons-lui ce que la loi ordonne de faire à cette malheureuse. S’il nous commande aussi de la lapider, il perdra sa réputation de douceur ; s’il déclare la renvoyer sans la punir, sa justice sera mise en défaut, Pour ne rien perdre de cette bienveillance qui l’a rendu si aimable aux yeux du peuple, il se prononcera évidemment pour le renvoi de cette femme ; ce sera, pour nous, la plus belle occasion de l’accuser lui-même. Nous le forçons à violer la loi et à devenu coupable ; nous lui disons : Tu es ennemi de la loi ; ta réponse est en contradiction avec le commandement de Moïse ; tu vas même coutre les ordres de Celui qui nous a dicté ses volontés par le ministère de Moïse ; tu es donc digne de mort ; tu seras toi-même lapidé avec cette adultère. Par de telles paroles et de tels raisonnements, ils pourraient surexciter l’envie, chauffer l’accusation et faire prononcer la sentence. Mais qu’était-ce que cette lutte ? La lutte entre la méchanceté et la droiture, entre la fausseté et la vérité, entre des cœurs corrompus et un cœur pur, entre la folie et

  1. Ps. 44, 4, 5
  2. Isa. 11