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VINGT-CINQUIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT : « JÉSUS SACHANT QU’ILS VOULAIENT L’ENLEVER, AFIN DE LE FAIRE ROI », JUSQU’À CET AUTRE : « ET JE LE RESSUSCITERAI AU DERNIER JOUR ». (Chap. 6, 15-44.)

JÉSUS, SOURCE DE TRANQUILLITÉ ET DE VIE.

Jésus-Christ, comme Dieu, est roi de l’univers ; comme homme, il régnera sur les élus dans le ciel : mais, en le voyant multiplier les pains, ses disciples et les Juifs voulaient lui donner une royauté temporelle, ignorant qu’il dût s’élever d’abord sur le Calvaire ; il s’enfuit donc sur la montagne. Pendant son absence, les Apôtres s’en retournèrent à Capharnaüm ; en traversant la mer ils furent assaillis d’une violente tempête. Leur barque était l’image de l’Église ; la tempête, celle des calamités qui doivent la tourmenter ici-bas sans pouvoir la faire périr. Enfin, le Sauveur vint sur les eaux, la nacelle aborda au rivage, et la tranquillité se rétablit. Avec Jésus, le chrétien foule aux pieds le monde et ses traverses, et il arrive sain et sauf à la bienheureuse éternité. Le lendemain, la foule retrouve le Sauveur à Capharnaüm et s’empresse autour de lui : Ne me cherchez point pour le pain matériel que je pourrais vous donner, mais pour la vie éternelle dont je suis la source, comme Fils de Dieu : pour avoir la vie, croyez en moi. – Quel signe nous donnerez-vous pour nous aider à croire en vous ? – Si Moïse vous a donné la manne, Dieu vous donne un aliment bien supérieur, le vrai pain de vie, et ce pain, c’est moi, soyez, comme moi, humbles et soumis à la volonté de Dieu, et vous me serez unis, et vous aurez toujours en vous le repos et la vie.

1. La leçon de ce jour a été prise, dans l’Évangile, immédiatement après celle d’hier : c’est là que commencera notre discours d’aujourd’hui. L’écrivain sacré a donc fait le récit de ce miracle où Jésus nourrit cinq mille hommes avec cinq pains ; à la suite de ce prodige, la multitude fut saisie d’admiration, et le reconnut comme un grand Prophète venu en ce monde. Saint Jean continue en ces termes : « Jésus, sachant qu’ils voulaient l’enlever pour le faire roi, se retira seul de nouveau sur la montagne ». Ce passage nous donne à penser que le Sauveur, après s’être assis sur la montagne avec ses disciples, et avoir vu la foule se porter vers lui, était descendu de cette même montagne et avait nourri cette multitude dans la plaine. Comment, en effet, aurait-il pu se retirer à nouveau en cet endroit, s’il n’en était préalablement descendu ? Il y a donc une signification à attacher à cette démarche du Sauveur, qui descend de la montagne afin de pourvoir aux besoins de tout un peuple. Il lui donna la subsistance nécessaire et retourna à l’endroit d’où il était venu.

2. Mais pourquoi se transporta-t-il de nouveau sur la montagne, lorsqu’il eut vu qu’on voulait l’enlever et le faire roi ? Eh quoi ! Lui qui craignait de devenir roi, ne l’était-il pas déjà ? Oui, il l’était, et il n’avait pas besoin de recevoir de la main des hommes la couronne royale, puisque c’est lui qui leur distribue les royautés. Peut-être le Seigneur Jésus a-t-il voulu en cela nous donner une instruction, car il nous parle par toutes ses œuvres. Par conséquent, de ce fait que la multitude voulut l’enlever pour le faire roi, et qu’il se retira seul sur la montagne afin d’éviter cet honneur, devons-nous conclure qu’il ne résulte rien pour nous ? que nous devons y voir un événement sans portée, dépourvu de tout enseignement, n’ayant aucune signification propre ? Et de la part de ceux qui voulaient l’enlever, n’était-ce point devancer l’ère de sa royauté ? Si, en effet, il avait paru au milieu des hommes, le moment n’était pas encore venu pour lui de régner comme il régnera à l’époque à laquelle nous faisons allusion, quand nous disons : « Que votre règne arrive[1] ». Il règne déjà éternellement avec son Père, en tant qu’il est Fils de Dieu, Verbe de Dieu, Verbe par qui toutes choses ont été faites. Les Prophètes ont encore prédit que le Christ régnerait eux tant qu’il s’est fait homme, et que les chrétiens sont devenus ses sujets aujourd’hui. Les éléments de ce royaume des chrétiens se préparent et se réunissent : le Sauveur les achète au prix de son sang ; son existence s’imposera à tous les regards, lorsque la gloire

  1. Mat. 6,10