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a voulu ressusciter le premier, quoiqu’il ne soit point mort le premier de tous. Car beaucoup sont morts avant lui, et toutefois, nul avant lui n’est ressuscité pour la vie éternelle. En triomphant donc avec lui, établis avec lui de cœur et d’espérance, parce que nous sommes délivrés, pensons à cette délivrance, aux scandales, aux tribulations du monde, aux persécutions si nombreuses des païens, aux fourberies des hérétiques, aux suggestions du diable, au combat si opiniâtre des passions. Qui pourrait échapper à tout cela, « si le Seigneur n’eût été avec nous ? Qu’Israël dise maintenant » ; car Israël peut le dire en sûreté : « Si le Seigneur n’eût été avec nous ». Quand ? « Lorsque les hommes s’élevaient contre nous ». Ces hommes ont été vaincus ; ne t’en étonne pas, ô chrétien, ils étaient des hommes ; mais ce n’était pas un homme qui était avec nous, c’était le Seigneur ; et des hommes s’élevaient contre nous. Toutefois, des hommes pourraient opprimer d’autres hommes, si ces hommes que l’on n’a pu opprimer n’eussent eu avec eux non pas un homme, mais le Seigneur même.
5. Donc, « si le Seigneur n’eût été avec nous, quand les hommes s’élevaient contre nous ». Qu’eussent pu faire contre vous les hommes, quand vous chantiez avec allégresse, et que vous aviez l’assurance de la vie éternelle ? Que vous eussent fait les hommes en s’élevant contre vous, si le Seigneur n’eût été avec vous ? « Peut-être nous eussent-ils dévorés tout vivants[1] » Dévorés tout vivants ! sans même vous tuer pour vous dévorer ensuite ! O cruauté ! ô barbarie ! Ce n’est pas ainsi qu’en use l’Église ; il fut dit à Pierre : « Tue et mange[2] » ; mais non : Dévore-les tout vivants. Comment donc Pierre ou l’Église peut-il tuer et manger ? Et comment ceux qui se sont élevés contre nous nous eussent-ils dévorés tout vivants, si le Seigneur n’eût été avec nous ? Parce que nul n’entre dans le corps de l’Église sans mourir tout d’abord. Il meurt à ce qu’il était, afin d’être ce qu’il n’était pas. Autrement l’homme qui ne meurt point, qui n’est point ainsi mangé par l’Église, peut bien faire partie de ce peuple que l’on voit des yeux, mais faire partie de ce peuple qui est connu de Dieu, et dont l’Apôtre a dit : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent[3] » ; il ne le peut s’il n’est mangé, et il ne saurait être mangé si tout d’abord il n’est tué. Voilà un païen qui vit encore dans l’idolâtrie, et qui veut être admis parmi les membres du Christ. Pour y entrer, il doit être mangé ; mais s’il n’est tué d’abord, l’Église ne saurait le manger. Pour lui, renoncer au siècle, c’est mourir ; et croire en Dieu, c’est être mangé. Comment donc nos adversaires nous eussent-ils dévorés tout vivants, si le Seigneur n’eût été avec nous ? Il s’éleva jadis contre l’Église de nombreux persécuteurs, et il n’en manque pas aujourd’hui encore. Ils s’élèvent les uns après les autres, et souvent ils absorbent tout vivants ceux-là toutefois qui n’ont point le Seigneur avec eux. C’est pourquoi nos interlocuteurs ont dit avant tout : « Si le Seigneur n’eût été avec nous » ; car il en est beaucoup qui sont dévorés, parce qu’ils n’ont point le Seigneur avec eux. Voilà ceux qui sont absorbés tout vivants, qui connaissent le mal, et y consentent par leur langage. Il s’est donc élevé certains persécuteurs, qui ont dit aux hommes Offrez de l’encens aux idoles, ou bien la mort. Ceux-ci, aimant la vie, cédèrent aux douceurs qu’ils y trouvaient, et ne mirent pas les promesses de Dieu au-dessus de tout ce qu’ils goûtaient sur la terre. On leur ordonnait de

  1. Ps. 123,3
  2. Act. 10,13
  3. 2 Tim. 2,19