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d’un seul mot, les remettre tous sur pied ! Comment donc comprendre sa conduite ? Le voici, sans aucun doute en pareille circonstance, sa puissance et sa bonté s’exerçaient bien plus à faire ce que les âmes devaient comprendre pour leur salut éternel, qu’à opérer, pour la guérison temporelle des corps, les miracles qu’ils pouvaient réclamer. Nous ne jouirons, en effet, qu’à la fin des siècles et au moment de la résurrection des morts, de cette inamissible santé que nous attendons de la bonté de Dieu : ce qui vivra alors ne sera plus exposé aux coups du trépas ; ce que le Seigneur guérira alors ne courra plus aucun danger de maladie ; ce qui sera alors rassasié n’éprouvera jamais plus le tourment de la faim ou de la soif ; ce qui sera renouvelé, ne vieillira plus désormais. Mais les aveugles, auxquels notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a, pendant sa vie mortelle, rendu la vue, la mort leur a de nouveau fermé les yeux ; les membres des paralytiques, raffermis par lui, ont fléchi encore sous les atteintes du trépas, et la mort a fait disparaître derechef la santé momentanément rendue à des membres sujets à ses coups destructeurs ; mais pour l’âme, vivifiée par la foi, elle est, à ce moment-là, entrée dans le séjour de la vie éternelle. La guérison de ce paralytique a été, de la part de Notre-Seigneur, une figure frappante de l’âme qui devait croire en lui, et dont il était venu effacer les péchés, et guérir les infirmités par l’excès de ses humiliations. Dans la figure et la réalité, j’aperçois un profond mystère : c’est de ce mystère que je veux présentement vous parler, de mon mieux, comme Dieu m’en fera la grâce ; aidez-moi à le faire malgré ma faiblesse, en me soutenant par vos prières, en m’encourageant par votre attention. Si je ne puis vous dire tout ce qu’il faudrait, celui avec le secours de qui je ferai mon possible y suppléera en vous.

2. Il m’en souvient : j’ai, très-souvent, parlé de cette piscine environnée de cinq portiques, où se trouvaient couchés des malades en grand nombre : j’entreprends donc une tâche, abordée par moi plusieurs fois déjà ; aussi, plusieurs d’entre vous auront-ils plutôt à rafraîchir des souvenirs, qu’à apprendre des choses nouvelles. Toutefois, il n’est pas hors de propos de rappeler des choses même précédemment expliquées ; car on peut ainsi instruire ceux qui ne les connaissent pas encore, et confirmer dans leur science ceux qui les connaissent déjà. C’est pourquoi nous passerons brièvement sur ce que vous savez, sans nous y arrêter comme s’il était question de vous en parler pour la première fois. Cette piscine et l’eau qu’elle renfermait me semblent avoir préfiguré le peuple juif. Que les peuples se trouvent désignés sous le nom des eaux, c’est chose clairement indiquée dans l’Apocalypse de Jean. Un jour, en effet, il avait aperçu de grandes eaux : il demanda ce que c’était, et on lui répondit : Ce sont les nations [1]. Cette eau, environnée de cinq portiques, était donc l’emblème du peuple juif, régi par les cinq livres de Moïse ; mais ces livres montraient les infirmités des Israélites sans les guérir ; car la loi établissait la culpabilité des pécheurs, et ne la faisait pas disparaître : la lettre, sans la grâce, faisait donc des coupables ; et quand ils s’avouaient tels, la grâce les délivrait. Voici ce que l’Apôtre dit à ce sujet : « Si la loi qui a été donnée avait pu communiquer la vie, il serait vrai de dire que la justice viendrait de la loi ». Pourquoi la loi a-t-elle été donnée ? Paul continue en ces termes : « Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce que Dieu avait promis fût donné par la foi en Jésus à ceux qui croiraient [2] ». Y a-t-il rien de plus évident ? Ces paroles ne nous ont-elles pas mis sous les yeux les cinq portiques et la multitude des malades qui s’y trouvaient couchés ? Les cinq portiques ne sont autres que la loi. Pourquoi ne guérissaient-ils pas les infirmes qu’ils renfermaient ? Parce que, « si la loi, qui a été donnée, avait pu communiquer la vie, il serait vrai de dire que la justice viendrait de la loi ». Pourquoi contenaient-ils des hommes qu’ils ne guérissaient point ? Parce que « l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce que Dieu avait promis fût donné par la foi en Jésus à ceux qui croiraient ».

3. Comment donc se faisait-il qu’après l’agitation de l’eau, ceux qu’on y plongeait y retrouvaient la santé, au lieu qu’ils restaient malades tout le temps qu’ils demeuraient sous les portiques ? Il est bon de le remarquer, l’eau semblait tout à coup s’agiter, et il était impossible de voir qui l’agitait. Sois-

  1. Apo. 17, 15
  2. Gal. 3, 21-22