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opérée par les bons : Esaü est né de Rébecca : où trouvons-nous trace de bons engendrés par des méchants ? Reste Jacob, c’est lui qui doit parfaire l’ensemble des quatre catégories d’origines qu’il nous faut trouver dans la race des trois patriarches nommés dans l’Écriture. Jacob a eu pour épouses des femmes libres et des servantes ; femmes libres et servantes lui donnent des enfants ; et ces enfants sont les douze fils d’Israël [1]. Si tu examines de quelles mères ils sont nés, lu verras que les uns sont venus de femmes libres, les autres de servantes ; mais que tous indistinctement ont eu le même père. « Eh quoi ! mes frères ? ceux dont les mères étaient des servantes, ne sont-ils pas entrés en possession de la terre promise, concurremment avec leurs frères ? Nous y rencontrons tout à la fois les enfants de Jacob nés de femmes libres, et ses enfants nés de servantes, et tous étaient bons. Le titre de servantes afférent aux mères des derniers ne leur a porté aucun préjudice, parce qu’ils ont reconnu dans le même père leur commune origine et ainsi ils ont partagé l’héritage avec les autres. Ceux qui avaient pour mères des servantes, n’ont donc aucunement souffert de la nature de leur origine ; ils sont entrés en possession du royaume et de la terre promise comme leurs autres frères : ils ont tous reçu une part égale : la condition servile de leur mère ne leur a porté aucun préjudice ; car leur origine paternelle a seule prévalu. De même en est-il pour ceux qui ont reçu le baptême de la main des méchants ; ce sont, en quelque sorte, des servantes qui les ont mis au monde ; pourtant, commue ils ont été engendrés par la parole de Dieu que symbolisait Jacob, qu’ils se consolent : ils partageront l’héritage avec leurs frères. Que celui dont le père est bon soit tranquille, seulement qu’il n’imite pas sa mère, si sa mère est une servante. Garde-toi d’imiter une mauvaise servante qui montre de l’orgueil. Pourquoi, en effet, les enfants de Jacob nés de servantes, sont-ils entrés comme leurs frères en possession de la terre promise, tandis qu’Ismaël, né aussi d’une servante, a été privé de l’héritage ? Pourquoi ? Parce que lui était orgueilleux et que les autres étaient humbles. Ismaël releva la tête et voulut séduire son frère en jouant avec lui.
12. Il y a là un grand mystère. Ismaël et Isaac jouaient ensemble ; Sara les vit et dit à Abraham : « Chasse la servante et son fils ; car le fils de la servante ne sera pas héritier avec mon fils Isaac ». Et comme la tristesse s’était emparée d’Abraham, le Seigneur confirma les paroles de sa femme. Voilà bien la preuve qu’il y avait un mystère ; car je ne sais ce que préparait pour l’avenir cette circonstance. Sara voit jouer ces enfants, et elle dit : « Chasse la servante et son fils ». Qu’est-ce que cela, mes frères ? Quel mal Ismaël avait-il fait au petit Isaac en jouant avec lui ? En jouant avec Isaac, il se jouait de lui, ce jeu cachait une dérision. Il y a assurément là un grand mystère, que votre charité y fasse attention. Ce jeu, l’Apôtre l’appelle une persécution ; il donne à ce jeu le nom de persécution, car il dit : « Comme alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l’esprit, ainsi en est-il encore aujourd’hui » ; c’est-à-dire qu’aujourd’hui encore ceux qui sont nés selon la chair persécutent ceux qui sont nés selon l’esprit. Quels sont ceux qui sont nés selon la chair ? Les amateurs du monde, les amateurs du siècle. Quels sont ceux qui sont nés selon l’Esprit ? Les amateurs du royaume des cieux, ceux qui aiment le Christ, ceux qui désirent la vie éternelle, qui servent Dieu sans préoccupation intéressée. Ismaël joue avec Isaac, mais l’Apôtre dit qu’il le persécute. C’est pourquoi, après avoir dit ces paroles : « Comme alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l’Esprit, ainsi en est-il encore aujourd’hui », l’Apôtre montre de quelle persécution il veut parler, et il ajoute : « Mais que dit l’Écriture ? Chasse la servante et son fils, car il

  1. Gen. 29, 30, 35