Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/359

Cette page n’a pas encore été corrigée

glaive », dit l’Apôtre [1], Ne tire pas le glaive pour frapper Jésus-Christ. Chrétien, que persécutes-tu dans le chrétien ? Qu’est-ce que l’empereur a persécuté en ta personne ? Il a persécuté le corps, et toi, dans le chrétien, tu persécutes l’âme. Toi, tu ne tues pas le corps. Et toutefois ils ne s’en privent pas toujours : autant ils ont pu en frapper, autant ils en ont fait mourir ; ils n’ont épargné ni les leurs ni les autres. Cela est connu de tous. La puissance leur est odieuse, parce qu’elle s’exerce légitimement ; celui qui agit selon le droit, ils ne peuvent le supporter ; ils ne supportent que le violateur des lois. Que chacun de vous, mes frères, considère ce qu’a le chrétien. En qualité d’homme, il ressemble à beaucoup d’autres ; comme chrétien, il se distingue d’un grand nombre, et il est bien plus précieux pour lui d’être chrétien que d’être homme. Parce qu’il est chrétien, l’image de Dieu a été restaurée en lui par celui-là même qui, en le créant, l’avait fait à son image [2] ; mais, comme homme, il pourrait être un méchant, un païen, un idolâtre. Tu persécutes dans le chrétien ce qu’il a de meilleur, car lu veux lui ravir le principe de sa vie ; l’esprit de vie, qui anime son corps, le fait vivre pendant le temps ; mais la vie de l’éternité, il l’a puisée dans le baptême, qu’il a reçu de Dieu. Tu veux donc lui ravir ce que Dieu lui a donné, tu veux lui enlever ce qui le fait vivre. Lorsque des voleurs se décident à dépouiller un homme, leur intention est de s’enrichir à ses dépens et de ne rien lui laisser ; pour toi, tu enlèves au chrétien ce qu’il a, sans espérance d’en devenir toi-même plus riche ; car de ce que tu le dépouilles, il n’en résulte rien pour ton avantage : voilà bien ce que font ceux qui ravissent l’âme d’autrui, sans avoir eux-mêmes pour cela deux âmes.
13. Que veux-tu donc enlever ? En quoi te déplaît celui que tu veux rebaptiser ? Tu ne peux lui donner ce qu’il a déjà. Mais tu lui fais renier ce qu’il a. En quoi agissaient plus cruellement les païens persécuteurs de l’Église ? En tirant le glaive contre les martyrs, en lançant sur eux les bêtes, en approchant d’eux les flammes. Pourquoi tout cela ? Pour faire dire au patient : Je tue suis pas chrétien. Le motif qui portait autrefois le persécuteur à employer les flammes, est le même qui te fait employer ta langue. Tes séductions produisent l’effet que n’ont pu produire ses supplices. Mais que donneras-tu et à qui le donneras-tu ? Si le chrétien te dit vrai, si tes artifices ne parviennent pas à l’entraîner et à le rendre menteur, il te dira : J’ai le baptême. Tu lui demanderas : As-tu le baptême ? – Je l’ai, te répondra-t-il. – Mais, diras-tu, je ne le lui donnerai pas tant qu’il répondra : Je l’ai, et ne me le donne pas, car ce que tu veux me donner ne peut demeurer en moi, ce que j’ai reçu ne pouvant m’être enlevé. – Attends, néanmoins, que je voie ce que tu prétends m’enseigner. – Dis d’abord : Je ne l’ai pas. – Mais je l’ai et si je dis : je ne l’ai pas, je suis un menteur, car ce que j’ai, je l’ai. – Tu ne l’as pas, te dis-je. – Montre-moi que je ne l’ai pas. – Un méchant te l’a donné. – Le Christ est donc un méchant. – Je ne dis pas que le Christ soit méchant, mais ce n’est pas le Christ qui te l’a donné. – Qui donc me l’a donné ? réponds-tu : moi, je sais l’avoir reçu du Christ. – Ce n’est pas le Christ qui te l’a donné, mais c’est je ne sais quel traditeur des Écritures. – Je voudrais bien savoir qui a été le ministre ; je voudrais savoir qui a parlé au nom du Juge ; je n’en suis pas sur l’officier, je ne considère que le juge. Peut-être que dans tes reproches contre l’officier, tu es un menteur ; mais je ne veux ni discuter, ni connaître La cause de son officier ; le Seigneur est son juge et le tien ; si j’exigeais de toi des preuves, peut-être ne les donnerais-tu pas. Mais tu es un menteur ; car il a été prouvé que tu ne pouvais rien prouver. Or, ce n’est pas là-dessus que je fonde ma cause, de peur que si j’entreprends avec ardeur la défense d’hommes innocents, tu ne t’imagines que je mets mon espérance dans les hommes, même innocents. Que les hommes soient donc ce qu’ils veulent ; pour moi, ce que j’ai, je l’ai reçu du Christ c’est par le Christ que j’ai été baptisé. – Non pas, c’est tel évêque qui t’a baptisé, et cet évêque communique avec les traditeurs. – C’est par le Christ que j’ai été baptisé, je le sais. – Qui te l’a dit ? – Je l’ai appris de la colombe qu’a vue Jean. Cruel milan, tu ne m’arracheras pas des entrailles de la colombe. Je suis l’un des membres de la colombe, parce que je sais ce que m’a appris la colombe. Tu me dis : C’est un tel ou un tel qui t’a baptisé ; à toi et à moi il est dit par la colombe : « C’est celui-là qui baptise ». À qui

  1. Rom. 13, 4
  2. Col. 3, 10