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a été pour être quelque chose, et il trouvera qu’il n’a jamais mérité que le supplice. Si tu n’as rien mérité que le supplice, et si le Christ est venu non pour punir tes péchés, mais pour te les remettre, tu as donc reçu une grâce et non une récompense. Pourquoi la grâce s’appelle-t-elle ainsi ? Parce qu’elle est donnée gratuitement. En effet, ce que tu as reçu, tu ne l’as acheté au prix d’aucun mérite antécédent. Le pécheur a donc reçu cette première grâce pour la rémission de ses fautes. Qu’avait-il mérité ? S’il interroge la justice, il n’avait droit qu’à être puni : s’il le demande à la miséricorde, elle lui accorde la grâce. Dieu l’avait promise par l’organe des Prophètes ; aussi lorsqu’il vint pour accomplir sa promesse, donna-t-il, non seulement la grâce, mais encore la vérité. En quoi s’est manifestée la vérité ? En ce que Dieu a donné suite à ses promesses.
9. Qu’est-ce donc à dire : « Grâce pour grâce ? » Par la foi nous méritons Dieu ; nous ne méritions pas le pardon de nos péchés, et parce que nous étions indignes de ce don immense que nous avons reçu, ce don porte le nom de grâce ; que signifie grâce ? Donnée gratuitement. Que veut dire donnée gratuitement ? Accordée comme présent et non comme récompense. Si elle était due, c’était une récompense méritée, et non pas un don gratuit. Si elle était vraiment exigible, c’est que tu aurais été bon ; mais si, ce qui est indubitable, tu as été mauvais, comme néanmoins tu as cru en celui qui justifie l’impie [1], (qu’est-ce à dire : qui justifie l’impie ? Qui rend pieux l’homme impie), songe aux maux dont te menaçait la loi et aux biens que t’a procurés la grâce. En recevant cette grâce de la foi, tu deviendras juste par la foi (car le juste vit de la foi[2]), et en vivant de la foi tu mériteras Dieu : et alors que tu auras mérité Dieu par cette vie de la foi, tu recevras pour récompense l’immortalité et la vie éternelle. Et cette récompense est elle-même une grâce. Car, en, considération de quoi reçois-tu la vie éternelle ? En considération de la grâce. Effectivement, si la foi est une grâce et si la vie éternelle est, en quelque sorte, la récompense de la foi, en te donnant la vie éternelle Dieu semble s’acquitter d’une dette. (A l’égard de qui l’aurait-il contractée ? À l’égard du fidèle qui, par sa foi, y aurait acquis un droit.)Mais parce que la foi est elle-même une grâce, la vie éternelle est une grâce pour une grâce.
10. Écoute Paul : il reconnaît la grâce et ensuite, il réclame un dû. Comment Paul reconnaît-il la grâce ? « J’étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur, un diseur « d’injures ; mais », ajoute-t-il, « j’ai trouvé miséricorde [3] ». Il se reconnaît indigne d’avoir obtenu miséricorde, il a trouvé grâce cependant, non par suite de ses mérites, mais par un effet de la miséricorde divine. Il vient d’avouer qu’il a reçu une grâce imméritée : maintenant, il exige un dû ; écoute-le. « Pour moi », dit-il, « je suis au moment de mon sacrifice et le temps de ma dissolution approche. J’ai combattu le bon combat, j’ai consommé ma course, j’ai conservé la foi : il me reste à recevoir la couronne de justice qui m’est réservée ». Il réclame un dû, il exige le paiement d’une dette ; car, vois ce qui suit : « Que le Seigneur, comme un juste juge, me rendra au dernier jour [4] ». Pour recevoir d’abord la grâce, il lui fallait la miséricorde de Dieu ; pour la récompense de la grâce, il lui faut la justice du Juge. Celui qu’il n’a pas condamné pendant qu’il était impie, le condamnera-t-il maintenant qu’il est fidèle ? Et cependant, si tu y réfléchis bien, tu verras que Dieu t’a d’abord donné la foi par laquelle tu l’as mérité ; car tu n’as point mérité par toi-même qu’il fût redevable envers toi de quelque chose. Aussi, quand il t’accorde ensuite la récompense de l’immortalité, il couronne ses dons et non pas tes mérites. Donc, mes frères, « tous nous avons reçu de sa plénitude », de la plénitude de sa miséricorde, de l’abondance de sa bonté, Qu’avons-nous reçu ? La rémission de nos péchés qui nous a mis à même d’être justifiés par la foi. Quoi encore ? « Grâce pour grâce », c’est-à-dire pour cette grâce de la vie de la foi, nous recevrons une autre grâce. Que pourrions-nous recevoir, sinon une grâce ? Car, si je dis que cela m’est dû, je m’adjuge donc quelque chose, comme si Dieu me le devait ; or, ce que Dieu couronne en nous, ce sont les dons de sa miséricorde, à condition, cependant, que nous marchions jusqu’à la fin dans cette grâce qu’il nous a donnée.
11. « Car la loi a été donnée par Moïse » cette

  1. Rom. 4, 5
  2. Hab. 2, 4 ; Rom. 1, 17
  3. 1 Tim. 1,13
  4. 2 Tim. 4, 6-8